Phénomène encore sous-estimé par de nombreux parents, le piratage de comptes de jeux vidéo est en forte augmentation, avec des conséquences à la fois techniques, financières et psychologiques pour les jeunes victimes.
Des univers numériques prisés… et convoités
Les comptes de jeux vidéo représentent aujourd’hui une véritable valeur. Skins rares, monnaies virtuelles (V-Bucks, Robux…), niveaux atteints, statistiques de performance, collections d’objets… Tous ces éléments constituent une forme de capital numérique. Pour un adolescent, perdre son compte revient parfois à perdre des mois, voire des années d’implication.
Cela n’a pas échappé aux cybercriminels. Des scripts automatisés, des campagnes de phishing, ou des escroqueries ciblées permettent de voler ou détourner ces comptes. Il peut s’agir d’un simple changement d’adresse mail, d’un piratage via des logiciels malveillants, ou d’une arnaque au faux support technique.
Phishing, échanges frauduleux et faux concours
Les méthodes utilisées par les pirates sont souvent très bien rodées. Le phishing reste l’une des techniques les plus répandues : un faux mail ou message sur Discord prétend venir d’Epic Games ou d’une autre plateforme. Il invite le joueur à “vérifier son compte” ou “récupérer un skin exclusif”, en réalité pour lui soutirer ses identifiants.
Certains jeunes se font également avoir via des échanges frauduleux. On leur propose un compte plus avancé en échange du leur, ou des “codes de triche” en contrepartie d’un accès temporaire à leur profil. Une fois l’accès donné, le compte est modifié, voire revendu sur des forums clandestins.
Autre scénario classique : le faux concours sur TikTok ou YouTube, où il faut “se connecter pour obtenir des V-Bucks”. Une fois les identifiants saisis, le piège est refermé.
Des conséquences bien réelles pour les jeunes joueurs
Au-delà de la simple perte de données, ces piratages peuvent provoquer un choc émotionnel important. Le joueur peut ressentir un fort sentiment d’injustice, de trahison, voire de honte. Certains s’isolent ou culpabilisent, d’autant plus quand ils ont eux-mêmes transmis leurs informations, sans mesurer les conséquences.
La perte d’un compte, c’est aussi la disparition d’un espace social. Dans les jeux en ligne, les jeunes tissent des liens, échangent avec leurs amis, construisent une identité virtuelle. Être exclu de cet univers peut provoquer un sentiment d’isolement, comparable à une rupture.
Dans certains cas, surtout chez les plus jeunes, l’incident est minimisé par l’entourage, qui ne comprend pas l’attachement émotionnel au jeu. Pourtant, la souffrance peut être réelle, et mérite une écoute attentive.
La récupération de compte est possible
Heureusement, il est souvent possible de récupérer un compte piraté, à condition d’agir rapidement. Des éditeurs comme Epic Games (Fortnite), Mojang (Minecraft) ou Riot Games disposent de procédures de réclamation et de réinitialisation. Il faut fournir des preuves d’identité numérique : ancienne adresse mail, achats effectués, date de création du compte…
Cependant, ces démarches peuvent être complexes pour un enfant ou un adolescent seul. Il est donc essentiel que les parents ou les éducateurs les accompagnent, sans jugement, pour sécuriser à nouveau l’accès, changer les mots de passe et activer l’authentification à deux facteurs.
Des spécialistes peuvent également intervenir pour faciliter ces démarches, tout en expliquant les bonnes pratiques de sécurité à adopter. Allan Kinic, expert en cybersécurité et intervenant dans les établissements scolaires et spécialisés, est régulièrement sollicité dans ces situations. Grâce à sa connaissance des outils numériques utilisés par les jeunes, il guide les victimes dans la récupération de leur compte, tout en les aidant à comprendre les risques et à mieux se protéger à l’avenir.
Sensibiliser pour mieux prévenir
La meilleure protection reste la prévention. Il est indispensable d’apprendre aux jeunes les bases de la sécurité numérique appliquée aux jeux :
- Ne jamais partager ses identifiants, même avec un ami ou un inconnu en ligne.
- Utiliser des mots de passe complexes, différents pour chaque plateforme.
- Activer la double authentification dès que possible.
- Se méfier des offres trop belles pour être vraies : V-Bucks gratuits, concours douteux, skins “offerts”…
- Faire attention aux liens envoyés par message, même s’ils semblent venir d’un ami.
Mais cette éducation numérique ne doit pas s’arrêter aux enfants. Les parents aussi ont besoin d’être formés pour comprendre les plateformes, dialoguer avec leurs enfants, et réagir de façon adaptée en cas de problème.
L’école et les structures spécialisées en première ligne
Les établissements scolaires et les structures médico-sociales jouent un rôle clé dans cette sensibilisation. Les jeux vidéo sont un point d’entrée efficace pour parler de cybersécurité, car ils font partie de l’univers quotidien des jeunes.
Lors de ses interventions, Allan Kinic aborde ces thématiques de manière concrète et adaptée à chaque public. Formé aux Premiers Secours en Santé Mentale (PSSM), il est aussi attentif aux répercussions émotionnelles que peuvent avoir ces piratages. Dans les structures spécialisées (accueillant des jeunes en situation de handicap ou en protection de l’enfance), cette dimension humaine est essentielle : elle permet de rétablir la confiance et de prévenir des traumatismes durables.
Ces actions de terrain visent autant à informer qu’à restaurer une forme de sécurité psychologique. Car au-delà du compte volé, c’est souvent un sentiment de vulnérabilité plus large qui s’installe chez les jeunes victimes.
Les jeux vidéo ne sont pas un danger en soi. Ils peuvent être source de plaisir, d’apprentissage, de socialisation. Mais ils s’inscrivent dans un environnement numérique où la sécurité ne va pas de soi. Apprendre à jouer de manière responsable, c’est aussi apprendre à se protéger, à ne pas tomber dans les pièges du piratage, et à demander de l’aide en cas de problème.
Et lorsqu’un compte est volé, il est important de savoir que des solutions existent. Avec un bon accompagnement, la récupération est possible, et peut même devenir un moment pédagogique fort, pour apprendre de ses erreurs et renforcer ses défenses numériques.