Slots & Daggers
Le studio indépendant d’Allmenröder signe avec Slots & Daggers, disponible dès aujourd’hui sur PC via Steam, un jeu où la mécanique du hasard devient le cœur même du gameplay. En s’appuyant sur la structure d’une machine à sous pour orchestrer des combats dans un univers de fantasy, le titre s’inscrit dans une démarche d’expérimentation plus que de divertissement classique.
L’idée de transformer une interface de casino en outil de progression ludique pourrait passer pour un simple clin d’œil ironique. Mais Slots & Daggers s’en sert comme d’un moteur : le hasard ne vient pas troubler la stratégie, il en devient la matière première. Chaque rotation de la machine déclenche une succession d’actions – attaques, sorts, défenses – dont l’enchaînement compose la narration du combat. Le joueur n’agit pas directement sur le monde, il parie sur sa survie, littéralement.
Le projet porte la signature de Friedemann Allmenröder, artiste et développeur indépendant déjà remarqué pour Summerhouse, une expérience contemplative centrée sur la construction et la composition d’ambiances. Avec Slots & Daggers, le créateur déplace son attention vers la tension, la temporalité et la mécanique. L’univers, volontairement dépouillé, se réduit à des silhouettes grossières et à des symboles clairs. La représentation est minimale, presque schématique, mais l’économie visuelle accentue la lisibilité du système : la machine est à la fois décor, arme et narration.
Cette esthétique de l’épure s’accompagne d’un environnement sonore volontairement limité. Les percussions électroniques, mêlées à des effets mécaniques secs, évoquent davantage l’univers d’une salle de jeu que celui d’un donjon médiéval. Le mélange de références – fantasy, jeu d’argent, roguelike – crée une dissonance qui devient la véritable identité du titre. Là où d’autres productions cherchent la cohérence, Slots & Daggers revendique le collage et l’inconfort.
Dans le catalogue indépendant actuel, le jeu trouve une place singulière. Il prolonge la tendance de ces micro-projets qui explorent une idée unique jusqu’à l’absurde : ici, l’aléatoire comme système de contrôle. Cette orientation le rapproche davantage d’une œuvre de design que d’un jeu traditionnel, s’adressant à un public curieux de formes interactives atypiques. On y retrouve la logique des “jeux-dispositifs”, où chaque interaction sert moins à progresser qu’à comprendre le fonctionnement du système lui-même.
Slots & Daggers s’inscrit ainsi dans la continuité d’une scène indépendante européenne qui préfère le format court à la production sérielle. Dans ce cadre, le titre d’Allmenröder agit comme un manifeste miniature : une expérience de hasard déguisée en roguelike, un jeu de dés sous la forme d’un tableau de bord clignotant. Il ne cherche ni à séduire ni à divertir au sens classique, mais à confronter le joueur à l’instabilité du jeu lui-même.
Slots & Daggers ne fait pas de promesse de maîtrise. Il propose au contraire d’accepter le hasard comme structure, de jouer avec ce que l’on ne contrôle pas. Dans un marché où la précision et la performance dominent, ce choix en fait un objet à part — plus proche de la réflexion ludique que du divertissement de masse, et fidèle à la démarche d’un auteur qui, une fois encore, interroge la manière dont on joue.
