TEST – Notre avis sur ARC Raiders (PC)

13 Nov 2025 | TESTS / PREVIEWS, TESTS / PREVIEWS - MIS EN AVANT

ARC Raiders

Je savais que j’allais aimer ARC Raiders, mais je n’étais pas préparé au niveau d’obsession qu’il allait provoquer. Dès mes premières heures, le jeu s’est imposé comme une routine dangereusement plaisante : une petite sortie “pour voir”, qui finit en deux heures de raids successifs, et un cerveau incapable de penser à autre chose qu’à la prochaine extraction. J’ai vu beaucoup de titres se positionner sur le terrain de l’extraction shooter, certains avec des idées séduisantes, d’autres avec des ambitions plus floues. Mais ARC Raiders fait partie de ces jeux qui, sans forcément crier fort, imposent une évidence : ici, tout fonctionne. Rien n’a l’air forcé, tout semble aligné, comme si la boucle de gameplay n’avait été conçue qu’avec des décisions cohérentes et un sens aigu du rythme. C’est ce genre de maîtrise qui, à long terme, rend accro.

Je commence toujours mes sessions de la même manière, avec une routine presque automatique. Je réapparais à Speranza, je fais un tour rapide des vendeurs, je vérifie ce que je peux crafter dans mon atelier, je trie deux ou trois ressources qui traînent dans un sac, puis je me place devant l’ascenseur. Ce moment précis, juste avant de monter à la surface, me procure chaque fois une petite tension anticipée. Le jeu n’a pas besoin d’artifices pour signaler que la surface est un endroit où la moindre erreur peut coûter cher : tout, dans la manière dont Speranza est conçue, dans la disposition des ateliers, dans les conversations rapides qu’on surprend ici ou là, rappelle que si l’on revient vivant, c’est une réussite, et que si l’on revient avec un sac plein, c’est un exploit. Cette boucle mentale, très simple mais terriblement efficace, installe l’état d’esprit exact dans lequel un jeu d’extraction doit te placer.

Lorsqu’on émerge enfin à la surface, ARC Raiders dévoile une carte qui n’a pas besoin de surcharger l’écran d’icônes pour être lisible. Le Rust Belt fonctionne à la manière d’un terrain de chasse vivant, où l’on peut sentir les zones dangereuses même sans les connaître par cœur. C’est un monde marqué par un mélange très réussi de technologie étrangère et d’infrastructures humaines brisées, avec une esthétique rétro-tech à la fois étrange, familière et profondément immersive. La direction artistique, inspirée mais jamais ostentatoire, s’appuie sur une ambiance sonore exceptionnelle : échos mécaniques, alarmes lointaines, drones qui vibrent quelque part au-dessus des ruines… tout contribue à une forme de tension auditive presque instinctive. Il n’y a rien d’exagérément spectaculaire dans ces environnements, mais tout est placé avec une logique limpide. On finit par mémoriser chaque recoin utile, chaque détour risqué, chaque itinéraire permettant d’éviter un affrontement qui tournerait mal. Et ce rapport graduel entre familiarité et incertitude, c’est l’une des clés de l’addiction que crée le jeu.

Je pourrais parler longtemps de la façon dont les raids se déroulent, parce que c’est là qu’ARC Raiders révèle sa vraie nature. La tension n’est jamais gratuite, elle vient de la somme de micro-décisions qu’on enchaîne sans arrêt. Avancer par la droite ou par la gauche d’une avenue en ruine ? Traverser un champ ouvert plutôt que contourner une colline ? Fouiller un bâtiment, au risque d’être pris au piège, ou continuer sans s’arrêter ? Chaque choix a une conséquence potentielle, parfois immédiate, parfois plus tard dans le raid, quand on réalise qu’on a pris trop de risques ou qu’on a perdu trop de temps. Le jeu peut d’ailleurs se montrer particulièrement exigeant en solo. Pas injuste — jamais — mais suffisamment sévère pour te rappeler, raid après raid, que la prudence est une compétence autant qu’un réflexe. Cette dimension, loin de me décourager, renforce encore l’attachement que j’ai pour ce titre : chaque extraction solo réussie a le goût d’une victoire personnelle arrachée de haute lutte.

Les machines ARC, justement, méritent une mention à part. Leur design est convaincant, mais c’est leur comportement qui impressionne vraiment. Elles réagissent aux sons, elles tentent des contournements, elles combinent leurs capacités pour coincer le joueur. On n’a jamais l’impression d’affronter des cibles passives, même lorsqu’on maîtrise bien les patterns. Certaines unités aériennes fonctionnent comme des éclaireuses, d’autres forcent à se déplacer, d’autres encore créent des zones d’exclusion. L’une des séquences qui m’a le plus marqué est survenue lors d’une fouille de village. Je pensais avoir sécurisé la zone, puis une machine arachnéenne a déboulé depuis un toit et m’a forcé à me replier dans une maison. À peine avais-je refermé la porte qu’une deuxième machine brisait une fenêtre sur le côté, pendant qu’un drone me taguait à travers une ouverture. Aucune de ces situations n’a l’air scriptée, et pourtant elles produisent un sentiment d’encerclement parfaitement orchestré.

Mais aucun élément du jeu ne rivalise avec ce que les autres joueurs apportent à l’expérience. La façon dont ARC Raiders gère les interactions humaines est exemplaire. Le simple chat vocal de proximité suffit à créer des moments de coopération improvisée, des négociations, des échanges hésitants où chaque mot peut autant rassurer que menacer. ARC Raiders n’atteint pas la complexité opaque d’un Escape from Tarkov, ni l’ésotérisme d’un Dark and Darker, mais il propose quelque chose de plus rare : une accessibilité qui n’annule pas la tension, une zone grise permanente où tout peut basculer, un équilibre presque parfait entre risque, opportunité et humanité.

La progression occupe une place essentielle, et Embark a eu la bonne idée d’éviter la complexité inutile. Tout repose sur un ensemble cohérent : des armes aux identités bien définies, des gadgets qui modifient la manière d’aborder les engagements, et un atelier qui sert de moteur à long terme. J’ai passé des dizaines d’heures à affiner un style mobile, légère armure, outils d’évasion, capacité à traverser les zones rapidement pour éviter les affrontements inutiles. Un ami a fait l’inverse, privilégiant la résistance et la puissance brute. Le jeu ne nous force jamais à entrer dans une classe spécifique, mais il récompense la cohérence interne de chaque style de jeu. Les resets volontaires, qui permettent de repartir à zéro avec certains avantages de progression, sont bien intégrés et donnent un souffle nouveau au cycle sans jamais annihiler le sentiment d’avancer. Seule petite ombre au tableau : la personnalisation visuelle du personnage reste assez limitée, un détail qui ne pèse en rien sur l’expérience mais qui pourra sans doute évoluer avec le temps.

La difficulté, elle, se situe à un endroit très juste. Oui, ARC Raiders peut être sévère. Oui, mourir est coûteux. Mais cette sévérité n’a rien d’arbitraire. La plupart du temps, lorsqu’un raid tourne au désastre, je peux identifier exactement ce que j’ai mal évalué. Le jeu ne surprend pas pour le plaisir de surprendre. Il sanctionne les excès de confiance, les détours non nécessaires, les affrontements mal choisis. En contrepartie, réussir une extraction tendue donne une satisfaction que très peu de jeux parviennent à offrir. Cette sensation, mélange d’adrénaline pure et d’accomplissement personnel, est l’une des raisons majeures pour lesquelles je reviens chaque soir.

Côté technique, ARC Raiders est stable, fluide, cohérent. Rien ne parasite l’expérience. Les rares accrocs réseau visibles à la sortie ont d’ailleurs été rapidement corrigés, signe qu’Embark prend très au sérieux la qualité du service. Le gunplay est précis, les déplacements ont un poids maîtrisé, la lisibilité des engagements reste bonne même lors des affrontements chaotiques. Le suivi post-lancement est un autre point fort : mises à jour régulières, ajustements pertinents, corrections rapides. Embark semble parfaitement conscient qu’il a entre les mains un jeu au potentiel immense, et que pour maintenir ce niveau, la régularité et la réactivité sont essentielles. Pour l’instant, c’est un sans faute.

Sur la monétisation, je n’ai toujours rien à critiquer qui puisse remettre en question ma recommandation. Le jeu se suffit pleinement à lui-même, et la boutique reste centrée sur des éléments cosmétiques qui n’ont aucune incidence sur la puissance ou la progression. Certains tarifs ont effectivement paru élevés au lancement, mais Embark a déjà ajusté le tir : plusieurs prix ont été revus à la baisse et les joueurs ayant acheté plus cher recevront automatiquement la différence en Raider Tokens. Ce geste, ajouté au fait que les packs premium n’incluent aucun avantage de gameplay — tous les éléments utiles étant accessibles via les decks gratuits — confirme que le modèle économique ne cherche jamais à influencer ma manière de jouer. Mon expérience n’a pas été altérée une seule fois par une quelconque pression d’achat, et c’est exactement ce que j’attends d’un titre de ce calibre.

Quand je prends du recul, le constat est simple : ARC Raiders est l’un des jeux multijoueurs les plus solides et les plus cohérents de ces dernières années. Il n’atteindra peut-être pas le statut quasi inévitable de GOTY pour Clair Obscur : Expedition 33, mais il pourrait très bien prétendre à une place équivalente dans le domaine multijoueur. L’année dernière, Helldivers avait pris tout le monde de court en s’imposant comme le rendez-vous coopératif immanquable. Cette année, ce rôle revient, selon moi, à ARC Raiders. Un jeu qui maîtrise sa vision, qui gère parfaitement son rythme, qui sait créer tension, histoires spontanées et satisfaction durable. J’y retourne parce que chaque raid est différent, parce que chaque session me raconte quelque chose de nouveau, parce que le jeu récompense ma concentration et punit mes erreurs sans jamais trahir mes attentes. ARC Raiders n’est pas simplement bon. C’est un grand jeu, capable de marquer durablement ceux qui s’y plongent sérieusement. Et je suis loin d’en avoir fini avec lui.