Avowed
Dans le paysage toujours plus dense des jeux de rôle à la première personne, rares sont les titres qui parviennent à concilier immersion, profondeur narrative et mécaniques de gameplay engageantes. Avowed, le dernier né d’Obsidian Entertainment, s’inscrit dans la lignée des grands RPG occidentaux, s’inspirant de références telles que The Elder Scrolls tout en cherchant à imposer sa propre identité. Plongé dans l’univers d’Eora, déjà exploré dans Pillars of Eternity, le jeu ambitionne de marier héritage classique et innovations modernes. Mais parvient-il réellement à renouveler un genre qui peine à se réinventer ? Entre ambitions et concessions, analysons en profondeur cette nouvelle production.
L’un des plus grands atouts d’Avowed réside dans sa richesse visuelle et narrative. Le jeu mise sur une approche stylisée, rappelant The Outer Worlds tout en intégrant une palette de couleurs plus nuancée. Les paysages sont superbes et les jeux de lumière contribuent à l’atmosphère immersive du jeu. Les Terres Vivantes, région inédite d’Eora, sont un terrain de jeu fascinant où la nature luxuriante côtoie des ruines mystérieuses et des bastions imprégnés de cultures ancestrales. Contrairement à un monde ouvert massif façon Skyrim, Avowed segmente son univers en grandes zones interconnectées. Si cette approche peut sembler restrictive, elle permet de densifier chaque région, offrant une exploration plus maîtrisée où chaque recoin recèle des histoires à découvrir. En revanche, les animations manquent de fluidité, notamment lors des combats et des dialogues. Cette rigidité contraste avec les standards récents du genre, comme Cyberpunk 2077 ou Baldur’s Gate 3, où le souci du détail dans les expressions faciales renforce l’attachement aux personnages.
L’ambiance est magistralement travaillée : chaque village est animé par des PNJ qui réagissent aux événements et à la réputation du joueur. Les interactions sociales jouent un rôle clé et rappellent les ambitions de jeux comme Baldur’s Gate 3 ou Disco Elysium, bien que Avowed privilégie une approche plus accessible. Les amateurs de lore seront comblés : dialogues, livres disséminés dans le monde et inscriptions anciennes enrichissent l’univers, renforçant l’impression d’un monde profondément vivant. L’ambiance sonore d’Avowed est l’un de ses points forts. Les compositions orchestrales accompagnent parfaitement l’exploration et les combats, alternant entre envolées épiques et mélodies plus discrètes pour les phases de narration. Les bruitages sont eux aussi très réussis : le cliquetis des armes, le crépitement des sorts et les murmures du vent dans les forêts participent à l’immersion. Les doublages, de bonne qualité, renforcent la personnalité des personnages et contribuent à la qualité de la mise en scène.
Sur le terrain, Avowed propose un gameplay hybride entre RPG et action en temps réel. Le joueur peut manier une épée dans une main et un sort dans l’autre, alternant attaques rapides et stratégies magiques pour dominer ses adversaires. La sensation de puissance est bien présente, notamment grâce aux effets visuels impressionnants des incantations. Cependant, le système de combat souffre d’un certain manque de profondeur. Contrairement à un Dark Messiah of Might and Magic, où la physique et les interactions avec l’environnement jouaient un rôle clé, les affrontements d’Avowed sont plus directs et parfois trop permissifs. L’IA ennemie, bien que correcte, manque de finesse, rendant certains combats répétitifs. L’arbre de compétences, bien conçu, permet une personnalisation intéressante du personnage. Mais là encore, certaines compétences semblent déséquilibrées, avec des builds clairement plus efficaces que d’autres, ce qui peut limiter l’envie d’expérimenter.
Obsidian a toujours brillé par la qualité de son écriture et Avowed ne fait pas exception. L’histoire, centrée sur une peste mystérieuse menaçant les Terres Vivantes, prend rapidement une ampleur politique et mystique. Chaque décision prise par le joueur influence le cours de l’aventure, modifiant alliances et relations avec les différentes factions. Cependant, si la narration se veut interactive, son impact reste parfois limité sur le long terme. Contrairement à Fallout: New Vegas, où chaque choix pouvait bouleverser le monde, Avowed opte pour une approche plus linéaire, avec des variations limitées sur l’issue finale. Cela ne nuit pas à l’immersion, mais réduit la rejouabilité pour ceux qui espéraient une multiplicité de chemins narratifs. Les compagnons, véritables piliers du récit, apportent une dynamique intéressante. Chacun possède sa propre quête et évolue en fonction des choix du joueur. Certains dialogues sont mémorables et offrent des moments d’émotion authentiques, bien que certains personnages manquent un peu de développement sur la durée.
Avec une campagne principale oscillant entre 25 et 35 heures, Avowed offre une aventure dense et bien rythmée. Les quêtes secondaires sont nombreuses et bien intégrées, souvent aussi captivantes que la trame principale. Cependant, la rejouabilité reste mitigée. Bien que le jeu propose des choix narratifs, leur impact sur l’ensemble de l’histoire est limité par une structure plus dirigiste que certains RPG du même genre. Contrairement à Kingdom Come: Deliverance II, où chaque action peut changer radicalement la perception du monde, Avowed offre des variations plutôt qu’une véritable refonte de l’expérience.
Avowed se positionne comme un excellent RPG, porté par un univers fascinant, une écriture soignée et un gameplay plaisant. Obsidian prouve une fois de plus son savoir-faire en matière de construction de monde et de narration interactive. Toutefois, le jeu souffre de quelques limitations qui l’empêchent de rivaliser avec les meilleurs titres du genre. Son gameplay, bien que dynamique, manque de profondeur. Son système de choix, bien écrit, n’a pas l’impact espéré sur le déroulement global de l’aventure. Enfin, les animations perfectibles et l’IA limitée viennent ternir un tableau autrement très réussi. Cela n’enlève rien aux qualités indéniables du jeu : Avowed reste une expérience riche et immersive, qui plaira aux amateurs de RPG narratifs. Cependant, il laisse un léger goût d’inachevé, comme si Obsidian s’était arrêté à mi-chemin entre ambition et compromis.