Days Gone Remastered
Les morts vivent-ils plus intensément que les vivants ? Que reste-t-il de l’humanité quand le monde s’effondre ? Days Gone Remastered, ressuscité sur PlayStation 5 en avril 2025 par Bend Studio en collaboration avec Climax Studios, déterre ces questions avec une poignance renouvelée. Loin d’être une simple version améliorée, cette remasterisation revisite les fondations d’une œuvre souvent mal comprise, et lui offre enfin le socle technique et artistique pour révéler sa véritable ambition. Ce n’est ni une réinvention ni un simple coup de pinceau graphique : c’est une deuxième chance, méritée, offerte à une fresque post-apocalyptique plus dense qu’il n’y paraît.
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Le cœur battant de Days Gone Remastered reste son protagoniste, Deacon St. John. Loin des héros flamboyants ou des martyrs sacrificiels habituels, Deacon est un homme rongé, crédible dans sa brutalité comme dans ses failles. La remasterisation ne modifie pas le fond du récit mais en renforce la forme : transitions fluidifiées, expressions faciales plus nuancées, mise en scène rééquilibrée. La narration ne se contente pas de juxtaposer cinématiques et gameplay ; elle s’imbrique, s’insinue, et déploie sa chronologie avec une maîtrise patiente. Les souvenirs de Sarah, les dilemmes de Boozer, les affrontements moraux avec Iron Mike ou Skizzo gagnent en épaisseur par la qualité d’écriture, certes inchangée mais mieux servie par une direction artistique aujourd’hui à la hauteur. La narration évite les grandes tirades préfabriquées ; elle préfère les silences, les regards, les gestes répétitifs, ceux d’un homme perdu dans un monde qui ne l’attend plus. Cette retenue narrative est rare et salutaire.
Sur le plan ludique, Days Gone Remastered s’ancre dans une structure ouverte qui favorise l’émergence plus que la prédiction. La moto reste le pivot de l’expérience : compagne mécanique, totem de liberté, elle est ici mieux intégrée grâce à un pilotage affiné, des sensations de conduite plus naturelles, et une physique retravaillée. L’interface d’amélioration a été clarifiée, rendant la progression moins laborieuse. Les affrontements conservent leur intensité éparse : brutalité des mêlées, nervosité des tirs, improvisation permanente. Le système de crafting, toujours aussi dépendant des ressources scannées à la volée, s’imbrique avec les besoins constants de survie, sans jamais tomber dans la redondance excessive. Toutefois, la structure des missions peine parfois à se renouveler : les embuscades de rôdeurs, les traques de camps ennemis ou les nettoyages de nids infectés affichent une répétition structurelle que la mise en scène ne parvient pas toujours à masquer. L’IA ennemie, améliorée mais encore prévisible, oscille entre réactivité crédible et comportements erratiques. La gestion des hordes, en revanche, conserve toute sa force : ces masses mouvantes, presque liquides, déferlent avec une violence organique. Les systèmes systémiques de Days Gone atteignent ici un sommet d’interactivité, où la peur n’est jamais simulée, mais imposée par le terrain, la fatigue, et l’inévitable confrontation. À cela s’ajoutent les nouveaux modes de jeu spécifiques à cette version PS5 : Permadeath pour les plus intrépides, Speedrun pour les stratèges obsédés par l’optimisation, et le mode Horde Assault qui sublime la terreur en arène ouverte.
Le saut sur PlayStation 5 permet enfin à Days Gone de déployer pleinement sa vision artistique. Les forêts de l’Oregon, d’une densité luxuriance presque tactile, imposent une verticalité nouvelle : brumes matinales, ondulations du vent dans les feuillages, reflets d’eau mouvants. Tout respire, vibre, réagit au cycle jour/nuit et aux intempéries. Ce n’est pas le photoréalisme brut qui impressionne, mais la cohérence sensorielle : lumière rasante sur une carcasse rouillée, teinte bleutée d’une plaine sous la pluie, intérieurs étriqués baignés de clarté tremblotante. Les animations, notamment faciales, ont été retravaillées avec soin : le regard de Deacon, jadis figé, laisse place à une expressivité plus nuancée. L’architecture des lieux contribue à l’immersion : abris improvisés, stations-service désaffectées, ponts effondrés… chaque zone raconte sa propre chute. Cette rémanence du passé confère une mélancolie silencieuse au monde, loin de la surenchère visuelle habituelle. Là où la version PS4 pâtissait de chutes de framerate et de bugs nombreux, Days Gone Remastered affiche une solidité exemplaire. En 4K dynamique à 60 FPS, le jeu conserve une fluidité constante, même lors des affrontements avec des hordes massives. Les temps de chargement, presque inexistants grâce au SSD de la PS5, transforment la navigation entre zones en une continuité quasi organique. Sur PS5 Pro, plusieurs options de rendu permettent d’ajuster l’expérience : mode Performance, mode Qualité ou Enhanced, selon la préférence pour la fluidité ou la richesse visuelle. Les plantages ont disparu, les artefacts visuels ont été corrigés, et les interactions avec les objets et l’environnement ont gagné en précision. Le moteur Unreal Engine, exploité avec maturité, permet une gestion plus souple de la physique, notamment dans les collisions véhiculaires et la dispersion des corps. Surtout, l’utilisation du DualSense est ici exemplaire : les gâchettes adaptatives transmettent la tension de l’effort, le retour haptique vibre au rythme de la pluie, des pneus, des coups — une immersion tangible, rarement aussi bien calibrée.
Le paysage sonore de cette remasterisation est un accomplissement rare. Les compositions de Nathan Whitehead, ici remasterisées et réorchestreées, oscillent entre élégie folk et tension minimaliste. Jamais intrusives, elles épousent le rythme du joueur : apaisantes lors des trajets, oppressantes dans les souterrains, héroïques mais jamais grandiloquentes lors des affrontements majeurs. Les bruitages ont été rehaussés pour souligner l’hostilité du monde : craquement d’une branche sous le pas, respiration haletante en fuite, sifflement d’un molotov à l’impact. La spatialisation audio, remarquable avec un casque adapté, transforme chaque incursion nocturne en expérience sensorielle totale. Les doublages, tant en VO qu’en VF, gagnent en précision. La voix de Deacon, plus rugueuse, traduit mieux la fatigue chronique du personnage. La direction d’acteurs, souvent critiquée à la sortie originale, bénéficie ici d’une meilleure synchronisation labiale et d’une dynamique de réponse plus fluide.
Avec une quarantaine d’heures pour l’histoire principale et près du double pour les complétionnistes, Days Gone Remastered offre un contenu vaste mais contenu. Les missions secondaires, bien que structurellement classiques, trouvent leur intérêt dans l’ancrage local : nettoyer un tunnel, retrouver un survivant, réparer un relais radio… Ces activités, banales sur le papier, prennent sens par la cartographie même du jeu. Quelques embranchements narratifs mineurs apparaissent, insuffisants pour parler de fins multiples, mais suffisants pour nuancer l’impact moral de certaines décisions. Le mode Survie, retravaillé, impose une lecture plus tendue du gameplay : interface épurée, ressources raréfiées, ennemis plus agressifs. En parallèle, des options d’accessibilité étoffées permettent à un plus large public de s’y aventurer : contraste accru, vitesse de jeu modulable, aides auditives… autant d’outils qui illustrent une vraie démarche inclusive. Aucune fonction multijoueur n’a été ajoutée, choix cohérent avec l’esprit introspectif du jeu. La rejouabilité repose moins sur la variété que sur la densité : revenir, c’est retrouver un monde qui a changé par notre passage, pas un bac à sable à options infinies.
Ce que Days Gone Remastered réussit, c’est à défendre son propre tempo. Dans un monde où les open worlds rivalisent de surenchère, celui-ci ralentit. Il oblige à l’écoute, à la planification, à l’errance. Il n’innove pas formellement, mais il assemble ses influences avec une cohérence rare : la survie de The Last of Us, l’ouverture de Horizon, la progression à la Red Dead Redemption II. Mais Days Gone ne copie pas : il distille. Il choisit l’usure plutôt que l’épiphanie, la lenteur plutôt que l’urgence. C’est un jeu de routine, de mémoire, de paysages déchirés où l’on cherche non pas à vaincre, mais à comprendre pourquoi on continue. En regard de sa version originale, cette remasterisation agit comme une lentille clarifiante. Les systèmes ludiques, auparavant étouffés par des limitations techniques, respirent enfin. L’univers, jadis trop sombre ou trop lisse, trouve sa texture. Le personnage de Deacon, souvent caricaturé, révèle sa complexité.
Days Gone Remastered s’inscrit dans la lignée de ces œuvres d’abord mal reçues, puis réhabilitées à force de persévérance et de révision technique. Ce n’est pas une réinvention, mais une restitution fidèle et affinée de l’intention initiale, débarrassée des scories de sa première itération. Pour qui a déjà foulé l’Oregon dévasté sur PS4, l’intérêt de cette remasterisation dépendra de l’importance accordée aux ajouts de confort, à la beauté ravivée, à l’immersion accrue. Pour les autres, elle constitue la version définitive, la plus aboutie et la plus juste. Ce n’est pas un jeu pour les pressés ni les amateurs de gratification instantanée, mais une lente traversée du désastre, un récit de routine, d’usure et de mémoire, où la répétition devient langage et où chaque silence pèse plus qu’un dialogue. Il redonne à Days Gone ce qu’on lui avait refusé : de la lumière, du souffle, et surtout, une place méritée dans le paysage du jeu narratif contemporain.