TEST – Notre avis sur EA SPORTS F1 25 (PS5)

17 Juin 2025 | TESTS / PREVIEWS

EA SPORTS F1 25

Pourquoi revient-on, année après année, vers les simulateurs de Formule 1 ? Est-ce l’illusion de la maîtrise absolue ? L’adrénaline d’un dépassement sur le fil ? Ou la quête d’un réalisme toujours plus affûté ? EA SPORTS F1 25, nouvel opus de Codemasters, tente de répondre à ces pulsions viscérales avec un moteur réajusté, un contenu narratif plus dense, et une proposition globale qui, sur PlayStation 5, frôle une symbiose entre technicité et émotion. Installé dans le cockpit pliable Formula Lite Pro de Next Level Racing, entre le cuir et l’acier du Logitech G29, j’ai pris le départ. Et rarement, le numérique m’a semblé aussi organique.

L’évolution la plus tangible de F1 25 réside dans sa physique de pilotage. Chaque virage est une négociation tendue, chaque remise de gaz un engagement mesuré. La direction, à travers le G29, distille un retour de force d’une finesse redoutable. Le couple ressenti n’est jamais brutal, mais granuleux, détaillé, capturant à la fois la perte d’adhérence d’un train arrière récalcitrant et le rebond sourd d’un vibreur en pleine attaque. On observe plus de sensibilité dans les corrections rapides, ce qui procure un vrai sentiment de maîtrise accrue, bien que la glisse se déclenche plus tôt. La gestion de la température des pneus, plus réactive, impose une lecture stratégique des conditions : il ne s’agit plus simplement de « gérer l’usure », mais d’anticiper l’état du pneu dans deux, trois virages. L’humide, quant à lui, n’est plus une simple variation de grip : c’est une surface mouvante, traîtresse, que l’on apprend à dompter.

Installé dans le cockpit Formula Lite Pro, le G29 ancré solidement sous mes paumes, j’ai ressenti une immersion que seule une poignée de jeux peuvent offrir. Le lien entre la machine et le virtuel s’efface : on ne joue plus, on conduit. Le retour de force me parle, me corrige, me punit. Les pédales transmettent l’effort, la glissade, l’urgence. Ce n’est pas le jeu qui s’adapte au périphérique ; c’est la physique elle-même qui semble avoir été pensée pour cette interface. Chaque session devient une chorégraphie technique, une danse entre les nerfs et l’asphalte. Mais, même sans cockpit ou volant, la prise en main reste plaisante grâce à la qualité des réglages manette.

Le comportement de l’IA, longtemps pointé du doigt dans les versions précédentes, progresse sensiblement. Les adversaires adaptent leur agressivité à leur position stratégique. En qualifications, ils défendent l’intérieur avec une logique tactique tangible. En course, ils peuvent se montrer téméraires, parfois même maladroits, ce qui injecte une dose d’imprévu salvatrice. On observe des erreurs au freinage, des sorties de piste sous pression : l’IA n’est plus infaillible, et cela renforce l’illusion d’humanité. Le niveau de difficulté reste modulable avec précision, mais à haut niveau, les écarts se creusent naturellement, et la victoire s’arrache — elle ne s’offre plus. On regrettera néanmoins une certaine surperformance sous la pluie : même en conditions glissantes, les monoplaces gérées par l’IA semblent conserver une traction quasi parfaite, rendant certaines remontées irréalistes, et brisant légèrement la cohérence du modèle physique.

Le réalisme topographique atteint ici un nouveau seuil. Grâce à l’intégration fine des données LIDAR sur plusieurs tracés (Suzuka, Imola, Melbourne…), les circuits gagnent en relief, littéralement. Les pentes, compressions, dévers, sont ressentis physiquement dans le volant comme dans le regard. Les circuits inversés — Red Bull Ring, Zandvoort, Silverstone — apportent un contrepoint intéressant, presque déroutant, à la lecture mémorisée du tracé. Ils ne sont pas de simples curiosités : ils nécessitent un recalibrage sensoriel. Stratégiquement, ils bouleversent les repères : les zones de freinage anticipées, les DRS repositionnés, et la chaleur de pneu différente exigent une réadaptation complète, non seulement sensorielle mais aussi pragmatique dans la gestion du rythme de course. On ne connaît plus le tracé par cœur, mais on le reconquiert. À cela s’ajoute une météo dynamique, toujours en progrès, où l’ondée passagère devient un facteur d’incertitude plus crédible. Chaque trajectoire sèche devient un fil à suivre, chaque averse un test de nerfs.

Les moteurs s’expriment avec une granularité améliorée : au-delà du rugissement, on perçoit les variations subtiles selon la cylindrée, la cartographie moteur, ou la distance. Les bruits de contact, les crissements, les éléments de carrosserie flottants enrichissent le paysage acoustique. Côté technique, on note que les pistes stéréo laissent parfois un mixage inégal, surtout vers les stands où les voix d’ingénieur sont parfois noyées ou trop montées en volume. Mais c’est la spatialisation qui m’a frappé : entendre une monoplace surgir dans le rétroviseur gauche avant même de la voir, capter la réverbération d’un mur urbain, anticiper un contact grâce à la radio équipe — tout cela contribue à une immersion rare. Les ingénieurs, eux, distillent des informations claires, sans redondance. C’est un accompagnement, pas une surcharge.

Si l’enveloppe globale reste convaincante, certains piliers comme la Carrière classique ou F1 World souffrent d’un manque d’évolution. On y retrouve les mêmes routines, les mêmes progressions et les mêmes types d’événements que dans F1 24. Cette stagnation nuit à l’élan de nouveauté que l’on peut ressentir ailleurs, notamment dans le mode My Team, et vient rappeler que toute la proposition ne progresse pas de manière homogène. La carrière pilote, classique mais efficace, trouve un écho enrichi dans le mode « My Team 2.0 », véritable joyau de cette édition. La possibilité de diriger son écurie sans forcément y prendre le volant ajoute une strate de gestion bienvenue. Entre recrutements, choix de sponsors, investissements en R&D et arbitrages techniques, chaque semaine devient un chapitre d’ingénierie autant que de course. Braking Point 3, de son côté, assume pleinement sa dramaturgie avec un récit plus resserré, des choix narratifs qui modifient subtilement les trajectoires, et une réalisation en progrès. Ce n’est pas un chef-d’œuvre d’écriture, mais une proposition solide, crédible, et respectueuse de son matériau. Quant au mode F1 World, il consolide les acquis de F1 24, avec des défis à durée limitée et une structuration plus lisible qui incite à des sessions courtes mais répétées. Mais on note que ces sessions courtes restent proches du contenu 2024, sans renouvellement significatif. Ces modes annexes, bien que fonctionnels, ne renouvellent pas la tankette de gameplay. Le multijoueur bénéficie de serveurs plus stables, d’un système de pénalités affiné, et d’un matchmaking plus pertinent. La répartition des joueurs par niveau, la clarté des salons, la réactivité générale du netcode confèrent à l’expérience en ligne une robustesse qu’on n’attendait plus forcément de la série. Reste que les comportements toxiques n’ont pas disparu, malgré les outils de signalement. Les courses classées offrent un cadre structurant, mais c’est dans les événements temporaires que l’on retrouve une certaine fraîcheur, une variété bien pensée.

Sur PlayStation 5, F1 25 ne bouleverse pas l’esthétique de son prédécesseur, mais affine sa partition. La modélisation des monoplaces tutoie l’excellence, tant dans la brillance des carrosseries que dans les détails techniques. Les animations humaines, bien qu’encore rigides par endroits, gagnent en naturel. La fluidité — verrouillée à 60 FPS — ne faillit jamais, même en écran partagé. Les reflets sous la pluie, la diffusion lumineuse au crépuscule, et le grain spécifique à chaque piste composent un ensemble visuel cohérent, homogène, sans esbroufe. Le HUD, souvent trop intrusif dans les jeux de course, se fait ici discret et modulable. On peut adapter l’information affichée selon le mode, la situation, ou son propre niveau de compétence. L’accessibilité bénéficie d’un soin particulier : narration audio des menus, indicateurs sonores pour les virages ou les freinages, ajustements visuels pour daltoniens ou malvoyants, tout converge vers une démocratisation du pilotage sans sacrifier la précision. Le système d’aides — ABS, trajectoire, boîte auto, contrôle de traction — s’ajuste au pixel près, ce qui permet de construire sa courbe de progression sans frustration. On dispose désormais d’un réglage fin des aides – 12 niveaux d’ABS et TC indépendants, options de trajectoire paramétrables, freinage assisté gradué –, permettant une montée en compétence progressive, surtout pour ceux découvrant le volant.

Le modèle économique, s’il conserve les PitCoins, ne verse pas dans l’intrusif. Les personnalisations cosmétiques sont nombreuses — casques, combinaisons, livrées — mais restent optionnelles. L’arbre de progression récompense l’engagement plutôt que la répétition. Le grind existe, bien sûr, mais il est intégré dans une logique de saisonnalité qui encourage le retour sans forcer la main. On joue pour progresser, pas pour débloquer. Quelques imperfections subsistent. J’ai rencontré deux crashs lors de chargements prolongés, un bug de caméra dans Braking Point, et une fois, une IA figée sur la grille. Rien de systémique, mais des accrocs à corriger. Les temps de chargement, eux, sont quasi instantanés. Le jeu, à ce stade, est stable. Les mises à jour apportées depuis le lancement témoignent d’un suivi sérieux.

EA SPORTS F1 25 n’est pas un bouleversement. C’est une consolidation, une réécriture en finesse des règles établies, avec une exigence renouvelée. Il ne cherche pas à séduire par le clinquant, mais par la rigueur de son modèle, la cohérence de ses choix, la densité de son offre. Il s’adresse aux puristes comme aux curieux, aux tacticiens comme aux pilotes de l’instant. En cela, il rappelle ce qu’un bon simulateur doit toujours viser : la vérité du sport, dans toute sa violence douce, sa complexité vivante, son rythme impitoyable.