TEST – Notre avis sur Grounded 2 – Early Access (PC)

11 Août 2025 | TESTS / PREVIEWS

Grounded 2

Où commence vraiment une suite quand l’original s’est imposé comme une évidence domestique, une expérience de voisinage miniature où l’échelle faisait trembler chaque brin d’herbe ? Grounded 2 répond sans solennité, mais avec la conviction tranquille d’étendre l’horizon sans dissoudre l’intimité, de déplacer le centre de gravité sans trahir la promesse initiale. Tout procède d’une tension assumée entre ambition et continuité, entre l’appel du vaste et la précision du proche, entre les promesses d’un accès anticipé et ses renoncements provisoires. À ce stade, environ un tiers du contenu final est jouable : un socle consistant, assumé comme une “suite sûre” plus qu’une révolution. On ne cherche pas la rupture spectaculaire ; on éprouve un système qui se recompose par nuances, par déplacements, par ajustements subtils.

Brookhollow Park, nouvel écrin de l’aventure, n’est pas qu’une carte plus vaste : c’est une idée du lieu qui se déploie, un relief qui redistribue l’effort, une géographie qui fabrique des décisions. On y entre par strates : pelouses-canyons, corniches de béton, bosquets filtrant la lumière comme une verrière. Les objets humains cessent d’être décor pour redevenir architecture : chariot de glaces transformé en biome froid, barbecue renversé devenu émetteur de risques, table de pique-nique à la fois pont et promontoire. Les transitions sont des membranes : quelques mètres suffisent à changer la résistance de l’air, la toxicité ou la logique des déplacements. Le parc ne s’offre pas à l’impatience : l’exploration est une négociation avec l’inconnu, un traque des angles morts et des raccourcis.

Cette géographie conditionne directement la progression. Le loop — récolter, analyser, débloquer, fabriquer, tenter plus loin — conserve sa rigueur, mais l’onboarding s’est affermi : tutoriel clair, marqueurs lisibles, missions humaines guidant mieux la première heure sans anesthésier le danger. Les premières heures restent tendues, surtout en solo : stocks qui fondent, nuit qui rétrécit le courage. La rareté n’est pas une punition mais un langage : une ressource mène à une recette, un outil, un accès, une rencontre. Les “soft walls” — froid, toxiques, agressivité — sont des seuils franchis par préparation, pas bravade.

Pour accompagner cette progression, deux systèmes modèlent désormais le tempo : l’Omni-outil et les montures. L’Omni-outil, couteau suisse contextuel, absorbe couper, frapper, creuser, réparer. Indestructible, indroppable et sans slot d’inventaire, il accompagne en permanence ; ses améliorations jalonnent des seuils tangibles. Son activation fiable libère de la micro-gestion : on ne choisit plus un outil, mais une action. Les montures — deux types à ce stade — ont des rôles distincts : fourmi soldat pour traction/logistique, araignée orbe pour mobilité agressive. Elles encaissent pour vous, facilitent la collecte, mais interdisent vos armes en selle : on commande ou on descend. Elles compriment l’espace mais dilatent les conséquences, imposant une nouvelle chorégraphie. En coopération, deux montures lancées de concert peuvent provoquer brèves désynchronisations et petites baisses de performance.

Ces apports s’articulent avec la construction, toujours pilier du jeu. Placement précis, éléments aimantés, pentes rebelles, pilotage fin : on bâtit des machines à vivre, pas des châteaux. Chaîne logistique affermie : stockage automatique, transferts rapides, radiales d’accès. Mais le mode Créatif manque encore de profusion décorative, et l’absence de grandes zones aquatiques laisse en suspens un pan attendu de l’exploration.

Sur le terrain, ces systèmes se confrontent naturellement au combat. L’esquive gagne en i-frames franches, la parade demande discipline, les attaques chargées récompensent par scintillement. Les mutations se structurent désormais en archétypes — tank, perforation, contrôle — orientant les synergies. Le bestiaire s’enrichit : créatures rapides, colosses lents, profils intermédiaires, mais aussi nouvelles menaces (scorpions, papillons désorientants, cafards tenaces). L’IA a encore ses angles morts, mais l’accès anticipé l’assume.

L’action laisse place à des respirations narratives. La narration refuse l’exposition verbeuse, avance par indices, voix humaines, silences. Quêtes-problèmes imbriquées dans la logique des lieux, dialogues sobres, localisation française soignée malgré quelques répliques répétitives. En solo, cette sobriété narrative s’apprécie différemment qu’en multijoueur. À plusieurs, le jeu respire autrement : rôles spontanés, réseau de bases, temps fragmenté en tâches simultanées. Montures partagées, décisions d’allocation, routes “monture-safe”. Netcode robuste mais parfois moiré dans les scènes chargées, surtout avec deux joueurs à cheval sur des montures : animation, position et collisions peuvent se décaler légèrement.

L’accessibilité dépasse largement le simple curseur d’arachnophobie, toujours gradué et utile : tailles de polices ajustables, sous-titres lisibles, radiales réactives, filtres visuels… autant de réglages qui montrent une attention réelle au confort. Quelques frictions subsistent toutefois dans l’UX, avec certaines liaisons par défaut moins intuitives ou de petits bugs d’interface qui perturbent ponctuellement la navigation. La carte, claire et bien hiérarchisée, s’accompagne d’un inventaire sobre mais perfectible, qui gagnerait à offrir davantage de filtres et un verrouillage d’objets pour éviter les dépôts involontaires. Sur PC, l’optimisation reste en chemin : les performances varient selon la densité végétale, la complexité des points d’intérêt et le nombre d’effets particulaires à l’écran. On note quelques stutters liés à la compilation de shaders — atténués après mise en cache — et des options graphiques structurées en presets peu granulaires, sans prise en charge actuelle des upscalers DLSS, FSR ou XeSS. Le HUD en ultra-large est propre, avec une mise en page centrée et peu d’étirements à corriger, et la stabilité globale est satisfaisante malgré quelques crashs sporadiques ou softlocks isolés. Enfin, restent quelques “petits cailloux” classiques de l’accès anticipé, comme un pathfinding de monture parfois hésitant, des collisions ennemies perfectibles ou des sacs qui disparaissent après un respawn défavorable.

Visuellement, l’éclairage donne volume et matière, la palette reste lisible sans caricature. Côté audio, économie intelligente : bruissements, craquements, rumeur d’insecte ; musique discrète qui encadre plutôt qu’elle ne commente. L’accès anticipé s’assume : biomes généreux mais frontières encore bâchées, créatif maigre, eau profonde absente. Patchs réguliers, ajustements ciblés. La rejouabilité tient à la plasticité des trajets et à la variété des “builds” plus qu’à l’aléatoire. Pour certains, c’est une force ; pour d’autres, l’absence de recombinaisons radicales peut limiter un troisième ou quatrième run avant ajouts.

Ce Grounded 2 n’est pas une révolution mais une reformulation sûre : montures, Omni-outil, POI densifiés, mise à niveau visuelle. Manques temporaires (créatif maigre, eau absente, features attendues) cadrent l’horizon. Singularité d’échelle préservée, cohérence assumée : tout sert la sensation de se faufiler dans un monde familier et démesuré. La valeur, en accès anticipé, se mesure en densité vécue, tenue du système, clarté de trajectoire. Les amateurs de survie coopérative, de logistique fine, de gestes fluidifiés par l’Omni-outil et d’espace reconfiguré par les montures trouveront déjà une matière riche. Les bâtisseurs décoratifs et explorateurs aquatiques préféreront peut-être attendre.

Ce n’est pas un jeu qui assène ; c’est un jeu qui précise. Il lui manque encore une profusion créative, des systèmes discrets et une optimisation constante, mais ce qu’il propose est tenu, cohérent, souvent beau. On n’y triomphe pas, on s’y installe ; on n’y conquiert pas, on y apprend une langue. Quand un jeu donne au proche la densité du lointain, qu’un brin d’herbe devient falaise et qu’un trajet de quinze mètres devient récit, il a trouvé sa manière. Reste à la déployer, patch après patch, sans la perdre.