Jusant
Dans un paysage vidéoludique en perpétuelle mutation, marqué par l’apparition incessante de titres cherchant à se distinguer par leur originalité ou leur technologie, rares sont les œuvres qui réussissent à marquer de leur empreinte le cœur des joueurs en misant sur la simplicité et l’innovation. Jusant, la dernière création du studio DON’T NOD, s’inscrit dans cette veine avec une proposition audacieuse : un jeu qui conjugue escalade, réflexion et une expérience quasi méditative.
À première vue, Jusant pourrait être perçu comme un simple jeu d’escalade. Pourtant, il s’agit d’une expérience qui transcende cette description rudimentaire, offrant une aventure introspective où l’escalade se fait métaphore de l’ascension personnelle. D’emblée, l’univers du jeu séduit par son esthétique soignée et son ambiance sonore immersive. On y incarne un jeune aventurier, accompagné de son compagnon Ballast, un animal fantastique aux pouvoirs spéciaux, dans l’ascension d’une tour titanesque.
Cœur palpitant de Jusant, les mécaniques de jeu s’avèrent être un savant mélange d’intuitivité et de complexité. La prise en main est immédiate : les gâchettes représentent les mains du grimpeur et le bouton X sert à ancrer la corde. Toutefois, l’apparente simplicité cache une profondeur certaine. La gestion de l’endurance, les multiples façons de manipuler la corde en cours d’ascension et les outils environnementaux activés par Ballast ajoutent une richesse tactique qui maintient le joueur engagé.
Le cadre de Jusant est une véritable œuvre d’art. Le jeu nous fait traverser des biomes variés, chacun doté de sa faune et flore, qui ne sont pas sans rappeler le chef-d’œuvre qu’est [eal]Journey[/eal]. Cependant, cette beauté peut parfois s’effriter face à des caméras capricieuses, rendant certains passages frustrants. Cela dit, ces moments sont rares et ne ternissent pas outre mesure l’éclat de l’expérience globale.
En matière de narration, Jusant fait le pari du minimalisme. Les coupures cinématographiques sont rares et c’est principalement à travers des lettres éparpillées que l’on découvre l’histoire de la tour et de ses anciens habitants. Si cette méthode narrative peut décontenancer, elle contribue à l’atmosphère méditative du titre. Néanmoins, elle peine à instaurer un véritable attachement narratif jusqu’à la conclusion de l’aventure.
Sur le plan audiovisuel, Jusant est une réussite. La bande-son, tantôt apaisante, tantôt épique, soutient à merveille les paysages visuels somptueux. Le travail graphique, bien qu’indie, offre des panoramas à couper le souffle. Il est regrettable, toutefois, que le jeu ne soit pas accompagné de doublages, qui auraient pu enrichir l’immersion.
Jusant est truffé de petits détails qui enrichissent l’exploration. Des peintures secrètes aux coquillages émettant des sons ASMR, le jeu récompense la curiosité du joueur et enrichit son expérience.
Il est louable de noter l’effort de DON’T NOD en matière d’accessibilité. Avec des options telles que le réglage du texte, des caméras et, prochainement, un mode sans jauge d’endurance et d’autres ajustements, Jusant se rend disponible à un plus large éventail de joueurs.
En définitive, Jusant est une expérience qui, malgré ses imperfections, brille par son originalité et sa capacité à offrir une aventure significative en seulement 5 à 6 heures de jeu. C’est un titre qui réussit à s’imposer grâce à ses mécaniques de jeu solides et à une atmosphère envoûtante. Certains pourraient lui reprocher un manque de profondeur narrative et des problèmes ponctuels de gameplay, mais ces éléments sont compensés par l’ambition créative et la poésie qui émanent de chaque instant passé dans ce monde éthéré.
Jusant n’est pas un jeu parfait, mais il est un exemple éloquent de ce que le médium vidéoludique a de meilleur à offrir : une invitation à l’évasion, à l’introspection et, surtout, une expérience mémorable.