HONOR Magic V5
Depuis plus d’une décennie, l’industrie du smartphone nous promet l’appareil ultime, celui qui saurait abolir la frontière entre téléphone et tablette. Un objet unique, assez compact pour se glisser dans la poche mais suffisamment vaste, une fois déployé, pour offrir le confort d’un écran presque de tablette. Cette promesse a nourri bien des fantasmes, et chaque tentative, du Galaxy Fold premier du nom aux multiples itérations qui ont suivi, a donné l’impression d’un rêve inachevé : charnières encombrantes, fragilité assumée, logiciels approximatifs, autonomie étriquée. L’idée séduisait, mais l’exécution restait imparfaite. Tout cela, c’était avant le HONOR Magic V5. Car pour la première fois, j’ai eu la sensation que le pari était tenu, que le compromis disparaissait, que la formule trouvait enfin sa maturité.
Dès la prise en main, la singularité saute aux yeux. Fermé, le Magic V5 se comporte comme un grand smartphone, aux dimensions étonnamment contenues : 156,8 mm de hauteur, 74,3 mm de largeur, pour une épaisseur de seulement 8,8 mm dans sa version Ivory White, 9 mm pour les autres finitions. Déployé, il révèle une silhouette presque irréelle de finesse, 4,1 à 4,2 mm d’épaisseur selon la déclinaison, soit à peine plus qu’une fine tablette tactile. Le poids, 217 g pour l’Ivory White et 222 g pour les autres, confirme cette impression de légèreté. HONOR revendique les indices IP58 et IP59, un double sceau de résistance rare dans le monde du pliable. Et la charnière, certifiée pour 500 000 pliages, inspire une confiance inédite : le geste d’ouverture est fluide, sans grincement, et le maintien à différents angles s’effectue sans heurt. Le bloc photo, en revanche, rappelle brutalement que la perfection n’existe pas. Proéminent, il double presque l’épaisseur perçue lorsqu’on pose l’appareil sur une table et crée un déséquilibre certain. On appréciera ou non ce compromis, mais il faut le signaler.
Vient ensuite le cœur du sujet : l’écran. Ou plutôt les écrans. Le panneau interne de 7,95 pouces, OLED LTPO 120 Hz, affiche une définition de 2352 par 2172 pixels, soit une densité qui confine à la perfection pour ce format. L’écran externe de 6,43 pouces, également OLED LTPO 120 Hz en 2376 par 1060 pixels, offre un confort quotidien équivalent à celui d’un smartphone classique. Les deux prennent en charge une profondeur de couleur sur 10 bits, soit 1,07 milliard de nuances, et revendiquent une luminosité de pointe en HDR à 5000 nits. Dans la pratique, les mesures indépendantes oscillent autour de 1300 nits sur l’interne et 1800 nits sur l’externe, des valeurs déjà excellentes. En extérieur, la lisibilité est garantie, même sous un soleil de plomb, et l’HDR jaillit avec une intensité remarquable. On notera la gestion avancée du confort visuel : gradation PWM à 4320 Hz pour éviter le scintillement, affichage circadien pour accompagner le rythme biologique, tonalité naturelle pour adapter la balance des blancs à l’environnement. Les verres de protection ne sont pas oubliés : écran interne protégé par la technologie Super Armored, externe par le NanoCrystal anti-rayures. Le pli, souvent cauchemar des premiers modèles, reste ici discret ; on le devine en pleine lumière rasante, mais il s’oublie dès que l’on s’immerge dans le contenu. Les bordures, encore un peu larges, rappellent que tout n’est pas réglé, mais elles n’enlèvent rien à la majesté d’ensemble. Et, luxe rare, le stylet Magic Pen est pris en charge par les deux écrans, transformant le V5 en carnet numérique d’une polyvalence redoutable.
Sous le capot, HONOR a misé sur le nec plus ultra : le Snapdragon 8 Elite, gravé en 3 nm, avec deux cœurs Prime cadencés à 4,32 GHz et six cœurs Performance à 3,53 GHz. Le GPU Adreno 830 assure la partie graphique. Dans la configuration européenne, l’appareil embarque 16 Go de RAM et 512 Go de stockage interne. Autant dire que les usages les plus exigeants trouvent ici une réponse immédiate : jeux 3D lourds, multitâche avec plusieurs applications en parallèle, traitement photo avancé. Les benchmarks placent le Magic V5 parmi les plus performants du marché Android, avec une stabilité thermique correcte pour un pliable. La dissipation reste limitée par la finesse du châssis, et le téléphone chauffe plus vite qu’un monobloc massif, mais sans jamais compromettre l’expérience utilisateur. La navigation dans MagicOS 9.0.1, basé sur Android 15, est d’une fluidité irréprochable.
Le logiciel, justement, mérite une analyse approfondie. MagicOS a longtemps été critiqué pour son manque de cohérence, et si des aspérités subsistent, l’ensemble progresse. L’appareil gère sans difficulté le multitâche : jusqu’à trois applications en écran partagé, des fenêtres flottantes repositionnables, un passage fluide entre l’écran externe et l’interne. La Magic Capsule, inspiration des bulles contextuelles, simplifie l’accès aux notifications et aux états du système. Le Portail magique, quant à lui, détecte les intentions de l’utilisateur et permet d’agir par simple glisser-déposer contextuel. L’intelligence artificielle, omniprésente, se manifeste dans la traduction en temps réel des appels (six langues supportées au lancement), la transcription ou la réécriture de textes, la détection de faux contenus, la création d’images à partir de prompts. Dans l’écosystème HONOR Connect, le HONOR Magic V5 s’intègre à merveille : partage d’écran vers PC ou tablette, presse-papiers universel, Honor Share pour les transferts rapides, mode Bureau complet avec pavé tactile virtuel en cas de projection filaire ou sans fil. Le stylet déploie tout son potentiel : écriture instantanée depuis l’écran éteint, reconnaissance manuscrite globale (gestes pour supprimer, sélectionner, diviser), lasso pour capturer des éléments à l’écran, conversion de formules et de notes manuscrites en texte structuré. L’expérience logicielle n’est pas exempte de défauts : certains trouvent irritant que les notifications s’ouvrent par défaut en petite fenêtre, et le mode demi-pliage manque encore de la maturité du Flex Mode de Samsung. Mais dans l’ensemble, la richesse fonctionnelle impressionne.
Côté photo, le HONOR Magic V5 se dote d’un trio de capteurs arrière ambitieux : un ultra grand-angle de 50 mégapixels ouvrant à f/2.0, un grand-angle principal de 50 mégapixels f/1.6 stabilisé optiquement, et un téléobjectif périscopique de 64 mégapixels f/2.5 avec OIS. Le zoom optique 3× est d’une grande efficacité, le zoom numérique jusqu’à 100× relevant davantage de la démonstration technologique. En plein jour, le capteur principal délivre des clichés riches, détaillés, aux couleurs équilibrées. L’ultra grand-angle reste moins défini, avec une douceur perceptible sur les bords, mais conserve une colorimétrie cohérente. En basse lumière, le traitement logiciel mise sur l’éclaircissement, parfois au détriment du naturel, avec des halos et des expositions un peu forcées. Le portrait, en revanche, séduit par son détourage précis et son bokeh agréable. Le téléobjectif 3× excelle sur les portraits et les scènes urbaines, offrant une polyvalence rare sur un pliable. En vidéo, le smartphone filme jusqu’en 4K, stabilisé par la combinaison EIS et OIS. L’audio-zoom permet de renforcer la source sonore lors d’un zoom visuel, une fonction utile et bien implémentée. À l’avant, les deux caméras de 20 mégapixels f/2.2, l’une sur l’écran externe, l’autre sur l’interne, assurent des selfies nets et des appels vidéo de qualité. Globalement, sans atteindre le niveau des meilleurs photophones monoblocs comme le Galaxy S25 Ultra, le Magic V5 se classe parmi les meilleurs du segment pliant, un progrès considérable.
L’autonomie est l’autre grande victoire de HONOR. Avec une batterie de 5820 mAh (5690 mAh nominale), le Magic V5 offre une endurance rarement vue sur un pliable. Là où ses concurrents peinent à tenir une journée, il dépasse sans peine la barre des trente-six heures en usage mixte, et peut atteindre deux jours pleins selon l’intensité. En navigation GPS prolongée, en vidéo streaming, en réseaux sociaux, le drain reste maîtrisé. Le résultat est à la hauteur des promesses et change l’expérience : pour la première fois, un pliable ne condamne pas son utilisateur à vivre branché. La charge, en filaire 66 W, complète le tableau : de zéro à cent pour cent en une cinquantaine de minutes, un exploit pour une telle capacité. Le support de l’USB-PD assure une compatibilité large avec des chargeurs tiers. En sans fil, les 50 W se traduisent par une recharge rapide sur socle compatible, et la charge inversée complète la panoplie. À noter toutefois que le chargeur n’est pas inclus dans la boîte, choix environnemental qui imposera aux acheteurs européens de se procurer l’accessoire séparément.
Sur le plan de la connectivité, rien ne manque : 5G multibande avec flexibilité SIM (SIM + SIM, SIM + eSIM, double eSIM), Wi-Fi 7 (802.11 be) avec 2×2 MIMO, Bluetooth 6.0 compatible avec une large palette de codecs (SBC, AAC, LDAC, aptX et variantes, LC3, ASHA pour aides auditives), NFC en mode lecture/écriture et émulation de carte (HCE et SIM1), infrarouge pour piloter les appareils domestiques, USB-C OTG avec alimentation inversée 5V/1,5 A. La localisation s’appuie sur GPS double bande (L1+L5), GLONASS, BeiDou, Galileo et QZSS. L’audio est assuré par deux haut-parleurs stéréo avec effets HONOR Sound, sans prise jack analogique. La sortie casque se fait uniquement via USB-C numérique, exclusion assumée des casques analogiques. Les appels profitent d’une réduction de bruit IA efficace, et les micros capturent des voix claires et détaillées.
En matière de sécurité et de conformité, le Magic V5 coche toutes les cases : capteur d’empreinte latéral fiable, reconnaissance faciale 2D pour déverrouillage rapide, DAS mesurés à 0,94 W/kg pour la tête, 1,29 pour le tronc, 2,99 pour les membres. La certification RED, la conformité RoHS et ESPR assurent sa mise en circulation européenne. Les bandes Wi-Fi 5150–5350 MHz et 5945–6425 MHz sont restreintes à un usage intérieur, détail réglementaire classique mais à connaître. Le module de mise au point laser est classé produit de classe 1, donc sans danger pour l’utilisateur.
Le coffret, enfin, illustre l’évolution des pratiques : le téléphone, la coque de protection, le câble USB-C, les films de protection déjà posés sur les deux écrans, la broche d’éjection, le guide de démarrage et la carte de garantie composent l’ensemble. Pas de chargeur, donc, mais une cohérence avec les discours environnementaux contemporains.
Après plusieurs jours à utiliser le HONOR Magic V5 comme unique smartphone, la conclusion s’impose. Là où les pliables précédents me laissaient l’impression d’un prototype perfectionné, toujours handicapé par un pli trop visible, une autonomie trop courte, une charnière trop fragile, le V5 m’a fait changer de regard. Pour la première fois, je n’ai pas eu la sensation de sacrifier l’essentiel en échange de l’effet waouh. Les compromis subsistent — le bloc photo disgracieux, le logiciel encore imparfait, l’ultra grand-angle perfectible — mais ils ne suffisent plus à ternir l’ensemble. Car l’essentiel est là : un appareil assez fin et léger pour se glisser en poche, suffisamment robuste pour affronter le quotidien, assez endurant pour libérer de l’angoisse de la batterie, et assez polyvalent pour remplacer à la fois un smartphone et une tablette.
En définitive, le HONOR Magic V5 réalise ce que l’on n’osait plus espérer : la convergence effective des deux mondes, celui du smartphone et celui de la tablette. Dans un marché où chaque pliant semblait jusqu’alors condamné à justifier ses limites, le V5 se contente d’exister, et cela suffit à convaincre. Il ne se contente pas de changer les règles du jeu : il prouve que le pliable n’est plus un pari, mais une réalité mûre et désirable. Pour qui, comme moi, avait cessé d’y croire, c’est un petit choc, une réconciliation. Enfin, la promesse est tenue.