Split Fiction
Dans le paysage vidéoludique actuel, rares sont les titres capables d’apporter un vent de fraîcheur à un genre déjà saturé. Pourtant, Hazelight Studios, qui a su se démarquer grâce à ses précédentes œuvres telles que A Way Out et It Takes Two, revient avec Split Fiction, promettant de redéfinir une fois encore ce que signifie véritablement jouer ensemble. Mais cette ambition est-elle pleinement réalisée ? Le jeu réussit-il à conjuguer efficacement audace narrative, innovations ludiques et prouesse technique, ou reste-t-il simplement une itération améliorée d’un concept déjà exploité ? Plongeons profondément au cœur de cette expérience pour déterminer si Hazelight parvient à repousser ses propres frontières.
Dès les premiers instants, Split Fiction séduit par son intrigue innovante et subtilement complexe, centrée sur Mio et Zoe, deux écrivaines coincées dans leurs propres récits imaginaires. Ce choix de mêler science-fiction et fantasy offre une richesse narrative inhabituelle, rappelant les meilleures œuvres littéraires où la frontière entre réalité et fiction s’estompe. Toutefois, cette audace comporte quelques risques : certains passages semblent parfois manquer de cohérence interne, donnant lieu à des situations où le joueur peut perdre momentanément pied. Malgré ces légères imperfections, l’écriture reste remarquable par sa capacité à captiver durablement, grâce notamment à des dialogues percutants et des personnages à la psychologie particulièrement travaillée.
Le gameplay de Split Fiction va bien au-delà des simples bases établies par Hazelight dans ses précédentes réalisations. L’interdépendance constante des joueurs, à la fois physique et psychologique, crée une dynamique captivante où la communication devient essentielle, proche de l’expérience viscérale ressentie dans des jeux tels que Portal 2. Le système innovant du « Friend’s Pass », permettant à un possesseur du jeu d’inviter gratuitement un ami à participer, démocratise cette expérience coopérative et encourage les joueurs à partager ce moment ludique sans contrainte financière. Cependant, il convient de noter que la difficulté élevée de certains puzzles pourrait s’avérer décourageante pour les joueurs novices, exigeant parfois une patience accrue et une réflexion minutieuse.
Techniquement, Hazelight tire pleinement parti des performances de la PlayStation 5, notamment grâce à une utilisation exemplaire du SSD, garantissant des transitions fluides et des chargements quasi inexistants, rappelant la fluidité impressionnante d’un Spider-Man: Miles Morales. Visuellement, la finesse des textures, la stabilité de la résolution et la fluidité exemplaire offrent un confort de jeu remarquable. Certes, quelques rares bugs graphiques mineurs peuvent ponctuellement rompre cette immersion, mais ces légers accrocs restent négligeables au regard des accomplissements techniques globaux. Artistiquement, Hazelight réussit un équilibre parfait entre réalisme et abstraction visuelle.
Chaque environnement traversé dans Split Fiction possède une identité visuelle forte et immersive. Des cités futuristes aux royaumes fantastiques, chaque décor témoigne de la créativité débordante d’Hazelight, rappelant les univers variés d’un Ratchet & Clank ou d’un Psychonauts 2. Cependant, l’inventivité affichée connaît des fluctuations. Quelques niveaux souffrent d’une répétitivité ponctuelle ou d’une linéarité excessive, ce qui contraste avec l’originalité globale du jeu et peut ponctuellement ralentir l’enthousiasme du joueur. Malgré tout, les moments forts restent suffisamment marquants pour maintenir un haut niveau d’engagement. Chaque univers possède sa propre palette chromatique et un design sonore distinct, amplifiant la richesse émotionnelle du jeu. La bande-son orchestrale accompagne parfaitement chaque moment narratif, exploitant pleinement les capacités audio 3D de la PS5, créant ainsi une immersion sensorielle comparable aux meilleures réalisations hollywoodiennes.
Hazelight n’hésite pas à parsemer Split Fiction d’un grand nombre de références à d’autres œuvres iconiques du jeu vidéo. Qu’il s’agisse des clins d’œil subtils à Assassin’s Creed, des références cryptiques à Dark Souls, ou des hommages humoristiques à Sonic, ces éléments enrichissent considérablement l’expérience et offrent aux joueurs attentifs un plaisir supplémentaire, un peu à l’image des Easter eggs savamment distillés par un Ready Player One. Ce choix judicieux renforce la connexion émotionnelle avec les joueurs, tout en démontrant la maîtrise culturelle et technique du studio.
En dépit de ses nombreuses réussites, Split Fiction présente quelques limites en matière d’accessibilité. La taille réduite des textes à l’écran peut rendre la lecture inconfortable, notamment sur des téléviseurs de taille modeste, tandis que certaines séquences visuellement surchargées rendent l’action difficile à suivre. Ces éléments rappellent la nécessité d’intégrer davantage de paramètres d’accessibilité, une dimension que d’autres studios comme Naughty Dog ou Insomniac Games maîtrisent avec une plus grande efficacité. Avec une durée de vie située entre quinze et vingt heures pour une première partie, Split Fiction offre une expérience consistante et généreuse. Cependant, la rejouabilité est relativement limitée. Les choix narratifs, malgré leur apparente diversité, n’influencent finalement que modérément le déroulement général de l’histoire, réduisant la motivation à recommencer rapidement l’aventure. Une structure plus flexible à la manière de Detroit: Become Human aurait sans doute pu apporter davantage d’incitations à rejouer.
En définitive, Split Fiction s’impose comme une expérience majeure du jeu coopératif moderne. Audacieux dans sa narration, innovant dans son gameplay et impressionnant dans sa réalisation technique, Hazelight parvient globalement à surpasser ses précédents succès, malgré quelques imperfections mineures en matière de level design et d’accessibilité. Le jeu ne réinvente peut-être pas totalement le genre, mais il le pousse à des niveaux rarement atteints. Pour ceux en quête d’une aventure immersive et émotionnellement riche, capable de réunir joueurs novices et passionnés autour d’une expérience forte et unique, Split Fiction est indéniablement une référence à ne pas manquer sur PlayStation 5. Hazelight Studios signe ici un titre qui, malgré ses imperfections, se grave durablement dans la mémoire des joueurs.