TEST – Notre avis sur The Elder Scrolls V: Skyrim Anniversary Edition (Nintendo Switch 2)

29 Déc 2025 | TESTS / PREVIEWS

The Elder Scrolls V: Skyrim Anniversary Edition

Il existe des jeux dont la longévité ne tient pas à leur capacité à se transformer, mais à leur faculté à rester présents. Skyrim appartient à cette catégorie particulière. Plus de dix ans après sa sortie initiale, il continue d’être réédité, adapté, déplacé d’une plateforme à l’autre, comme un objet culturel que l’on refuse de laisser se figer dans le passé. Chaque nouvelle version pose alors une question fondamentale, rarement formulée explicitement : à partir de quel moment une réédition cesse-t-elle d’être une redécouverte pour devenir un simple transfert ? La version Nintendo Switch 2 de The Elder Scrolls V: Skyrim Anniversary Edition s’inscrit exactement dans cette zone grise. Elle ne promet pas une refonte, mais une amélioration. Elle n’annonce pas une rupture, mais une adaptation. Reste à savoir ce que cette adaptation change réellement à l’expérience de jeu, et si elle répond aux attentes actuelles.

Skyrim, dans son essence, demeure un jeu immédiatement reconnaissable. Son monde ouvert conserve cette structure permissive qui laisse au joueur une liberté rarement égalée. La progression n’est jamais imposée, les quêtes s’enchevêtrent, les détours deviennent des objectifs, et l’exploration reste le moteur principal de l’engagement. Ce fonctionnement n’a rien perdu de son efficacité. Sur Switch 2, comme ailleurs, il suffit de quelques minutes pour retrouver cette sensation d’un monde qui ne s’organise pas autour du joueur mais l’absorbe progressivement. Cet aspect fondamental explique pourquoi Skyrim continue d’exister dans le paysage vidéoludique : il propose une forme de liberté qui, malgré ses limites, reste difficile à reproduire.

The Elder Scrolls V: Skyrim Anniversary Edition renforce cette logique d’abondance. Le contenu inclus est massif, presque excessif, mais cohérent avec la philosophie du jeu. Les extensions majeures prolongent l’expérience sans la dénaturer, et les ajouts issus du Creation Club viennent enrichir l’ensemble de manière plus fragmentée. Tous ces contenus ne se valent pas. Certains s’intègrent naturellement dans l’univers, d’autres apparaissent plus mécaniques, presque décoratifs. Pourtant, cette accumulation correspond à la nature même de Skyrim : un jeu construit par strates, où la cohérence globale importe moins que la densité des possibilités. À ce niveau, la version Switch 2 ne trahit pas l’œuvre originale. Elle en propose une synthèse complète, parfois désordonnée, mais fidèle à son esprit.

Là où cette version cherche à se justifier, c’est sur le plan technique. Comparée à la version Switch précédente, l’amélioration visuelle est évidente. L’image est plus nette, plus stable, et surtout plus lisible. Les textures gagnent en définition, les environnements perdent cette impression de flou permanent qui caractérisait l’ancienne itération, et la distance d’affichage est mieux maîtrisée. En mode portable, le gain est particulièrement perceptible. Skyrim devient plus confortable à regarder, moins fatigant sur la durée, et plus cohérent visuellement. Il ne s’agit pas d’un bond générationnel spectaculaire, mais d’un ajustement nécessaire qui rend enfin justice aux paysages du jeu.

Cependant, cette amélioration graphique agit aussi comme un révélateur. En nettoyant l’image, la Nintendo Switch 2 expose plus clairement les limites du moteur. Les animations restent rigides, souvent approximatives, et les modèles de personnages trahissent sans détour leur âge. Les visages, en particulier, souffrent de cette mise en lumière accrue : ce qui était auparavant atténué par une résolution plus basse devient ici pleinement visible. Le jeu est plus propre, mais aussi plus brutalement honnête sur ses fondations techniques. Skyrim ne se modernise pas réellement ; il se rend simplement plus lisible.

La question de la performance est, en revanche, beaucoup plus problématique. Sur Switch 2, Skyrim reste limité à une fluidité qui ne correspond plus aux standards actuels. Ce n’est pas seulement une question de comparaison abstraite, mais de sensation de jeu. Skyrim repose sur une interaction constante : déplacements fréquents, combats rapprochés, visée à distance, navigation intensive dans les menus. Or, cette version souffre d’un manque de réactivité perceptible. Les commandes répondent avec un léger retard, suffisamment régulier pour altérer le confort global. Ce décalage ne rend pas le jeu injouable, mais il modifie profondément la manière dont on l’aborde.

Dans les combats, cette latence se traduit par une perte de précision. Les affrontements deviennent plus lourds, moins instinctifs. L’archerie, qui repose sur le timing et l’ajustement fin, perd une partie de son efficacité. La magie, elle aussi, souffre de ce manque de réactivité, ce qui affecte la gestion du rythme et de l’espace. Le joueur finit par s’adapter, mais cette adaptation ressemble davantage à une contrainte acceptée qu’à un choix ludique. Sur la durée, cette sensation pèse lourdement sur l’expérience, car elle touche au cœur même du gameplay.

Il serait toutefois injuste de réduire l’apport de la Switch 2 à ces seuls défauts. L’amélioration des temps de chargement est un gain réel et significatif. Skyrim est un jeu structuré autour de transitions constantes entre espaces. Sur un matériel lent, ces transitions fragmentent l’immersion. Sur la nouvelle console de Nintendo, elles sont nettement plus rapides, ce qui fluidifie la progression et renforce la continuité du monde. Cet aspect, souvent sous-estimé, contribue fortement au confort de jeu. Il ne transforme pas Skyrim, mais il en améliore le rythme général, ce qui n’est pas négligeable dans un jeu aussi long.

La prise en main bénéficie également d’options de contrôle plus avancées que sur la version Switch précédente. Certaines configurations permettent une navigation plus fluide dans les menus et une meilleure gestion de la visée. Ces améliorations ergonomiques sont bienvenues, surtout dans un jeu où l’interface occupe une place centrale. Néanmoins, elles ne suffisent pas à compenser entièrement les problèmes de réactivité. Elles améliorent l’accès au jeu, mais pas toujours la sensation de contrôle. Le résultat reste contrasté : des outils plus modernes, mais un ressenti global qui peine à suivre.

Un autre point structurel mérite d’être souligné : l’absence de support des mods. Pour Skyrim, cette absence dépasse largement le cadre d’un simple manque de contenu optionnel. Les mods ont façonné l’identité du jeu au fil des années, corrigeant ses défauts, enrichissant ses systèmes et prolongeant sa durée de vie bien au-delà de ce que le jeu proposait initialement. Sur Switch 2, cette dimension est absente. Le Creation Club propose une alternative officielle, encadrée, mais il ne remplace pas la liberté et la créativité du modding libre. Cette version de Skyrim reste donc figée dans une interprétation contrôlée, plus riche que l’original, mais aussi plus limitée dans son potentiel d’évolution.

La taille du jeu illustre parfaitement cette logique. Le téléchargement est volumineux, exigeant une gestion attentive de l’espace de stockage. Cette contrainte est d’autant plus sensible que les gains techniques restent partiels. Le joueur accepte un poids important pour une amélioration réelle mais incomplète. Cela renforce l’impression d’un portage généreux en contenu, mais prudent dans son ambition technique.

La question de la valeur se pose alors naturellement. En 2025, proposer Skyrim à un tarif élevé implique une responsabilité. Il ne s’agit plus seulement de vendre un classique, mais de justifier sa pertinence face aux attentes contemporaines. Sur ce point, la version Switch 2 se situe clairement dans un entre-deux. Elle offre une expérience plus confortable et plus lisible que la version Switch originale, mais elle ne parvient pas à s’imposer comme une mise à jour pleinement satisfaisante. Elle améliore, mais elle ne renouvelle pas. Elle optimise, mais elle n’exploite pas pleinement le potentiel du matériel.

Pourtant, malgré ces limites, Skyrim continue de fonctionner. Le jeu produit encore des situations mémorables, des récits personnels, des moments de découverte inattendus. Cette capacité à générer de l’engagement reste intacte. Dans cette nouvelle version, elle s’exprime dans un cadre plus propre et plus stable, mais constamment freiné par des choix techniques discutables. Le plaisir est là, mais il est souvent accompagné d’une frustration latente, celle de sentir que le jeu pourrait offrir bien plus sans jamais franchir ce seuil.

C’est précisément à ce stade que la question centrale se pose. The Elder Scrolls V: Skyrim Anniversary Edition sur Nintendo Switch 2 ne manque ni de contenu, ni même d’améliorations techniques tangibles. Ce qui lui fait défaut relève moins de l’accumulation que d’un seuil non franchi. Un véritable saut de fluidité modifierait profondément la perception de l’ensemble. Une fréquence d’affichage plus élevée ne serait pas un simple confort supplémentaire, mais un changement structurel : elle transformerait la sensation de contrôle, redonnerait de la précision aux combats, allégerait la navigation dans le monde et alignerait enfin les améliorations visuelles avec un ressenti réellement contemporain. À ce niveau, il ne s’agit plus d’un ajustement cosmétique, mais d’un enjeu décisif pour la cohérence globale de l’expérience.