Dishonored 2
Dans notre série des Game Pass Stories, nous partons à la rencontre de celles et ceux qui créent les jeux disponibles dans le Xbox Game Pass. Dans ce septième volet, nous donnons la parole à Dinga Bakaba et Sébastien Mitton d’Arkane Studios. Les deux artistes du studio lyonnais nous parlent notamment de Dishonored 2.
Corvo, devenu un redoutable assassin malgré lui dans le premier épisode et doté de pouvoirs surnaturels qui lui permettent d’atteindre ses cibles avec classe et efficacité, reprend du service. Développé par les Lyonnais d’Arkane Studios et disponible depuis octobre 2019 dans le Xbox Game Pass, Dishonored 2 nous donne le choix d’incarner Corvo ou, et c’est une nouveauté, sa fille, possédant elle aussi certains pouvoirs uniques. Explorez un monde mystique et industriel, combinez vos pouvoirs, vos armes et vos gadgets pour éliminer vos ennemis. Décidez vous-même de la stratégie à adopter pour terminer vos missions : passerez-vous par les toits en vous téléportant ou bien par la porte d’entrée principale, en jouant de ruse avec les gardes ? C’est vous qui voyez. Plongez dans un monde sombre et crédible et laissez-vous emporter par un scénario travaillé où chacune de vos rencontres pourra causer votre perte.
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Merci à Dinga Bakaba et Sébastien Mitton de prendre le temps de répondre à nos questions. Est-ce que vous pouvez vous présenter ?
Sébastien – Je m’appelle Sébastien Mitton et je suis Art Director, Directeur Artistique, à Arkane Studios et je suis Creative Director avec Dinga.
Dinga – Je suis Dinga Bakaba, co-directeur créatif également et Game Director.
Est-ce que vous pensez que l’intégration de votre titre dans le Xbox Game Pass a permis de toucher un nouveau public ?
Dinga – Alors je pense que oui, et je pense que c’est super. Le premier effet, c’est qu’il y a plein de gens qui étaient peut-être passés à côté du jeu à la sortie, qui en avaient entendu du bien mais qui ne savaient pas forcément si c’était pour eux. Ils avaient probablement préféré des valeurs sûres, entre guillemets, qu’ils connaissaient déjà, mais avec le Xbox Game Pass ils vont pouvoir s’y essayer. Tout simplement. C’est souvent le cas pour des jeux comme ça qui ont été encensés par la critique mais pour lesquels on a un doute. On arrive sur le Xbox Game Pass, on le voit, et on se dit : « c’est le moment, si je ne l’ai pas encore, c’est le moment d’essayer ». C’est super chouette ! Il y a aussi les joueurs qui avaient fait le 1, qui au moment du 2 étaient passés sur autre chose, qui vont se dire : « ah ben tiens cool, je vais pouvoir faire la suite ». Donc je pense qu’effectivement il y a pas mal de joueurs et de joueuses qui ont pu passer à côté au moment de la sortie et pour lesquel(le)s c’est l’occasion de découvrir le jeu. Et c’est d’autant plus le cas pour des jeux comme le nôtre qui ont une proposition un petit peu originale. Je trouve personnellement que le Xbox Game Pass est l’endroit idéal pour les découvrir.
Sébastien – Il y a beaucoup de gens qui en parlent en plus. Je pense que, grâce au Xbox Game Pass, il y a pas mal de discussions, de fils sur Twitter. Le jeu ne s’est pas éteint en 2016 et il continue de vivre. Il y a toute une communauté autour du jeu, les gens en discutent, il y a des sortes d’anniversaires liés au jeu, c’est vraiment assez cool. Si cela donne l’occasion à plein de gens d’y jouer, c’est chouette ! Et puis il faut se dire qu’il y a de nombreux gamers qui sont arrivés sur le marché depuis, qui avaient quatre ou cinq ans de moins et qui maintenant sont plus en âge de pouvoir manier les armes de Dishonored 1 et Dishonored 2 et de La Mort de l’Outsider, donc c’est cool d’avoir cette visibilité et de voir grandir la communauté.
Avez-vous reçu des témoignages de joueurs ou joueuses qui ont joué à votre titre grâce au Xbox Game Pass ?
Dinga – Alors c’est drôle, la première chose que j’ai remarquée quand cela a été annoncé et qu’ensuite le jeu est arrivé dans le Xbox Game Pass, c’est justement plein de gens qui avaient joué au jeu et qui disaient à tous leurs amis et tous leurs contacts sur Twitter ou sur les forums, comme Reddit : “Jouez-y, c’est l’occasion ! Si vous n’y avez pas joué, c’est maintenant”. Donc c’est vrai que la première réaction que j’ai vue, c’était cela : tous les fans qui encourageaient leurs amis à l’essayer. On voyait des trucs du genre : « depuis le temps que je t’en parle, vas-y maintenant t’as plus d’excuse ». C’était drôle ! Et je me suis dit que c’était une bonne idée et j’ai fait la même chose avec mes potes. Il y en a pas mal qui ont pu l’essayer grâce à ça. Et puis, on a vu quelques tweets, quelques fils effectivement de gens qui l’avaient découvert avec plaisir. Mais vraiment, ce qui m’a marqué, c’est le phénomène inverse, c’est-à-dire les gens qui encourageaient tout le monde à le télécharger. C’était le même phénomène à l’époque pour Prey, qui est le jeu d’Arkane Austin. C’est chouette de constater cet engouement et, comme disait Sébastien, de voir les threads revivre, les gens poser des questions, reposter des vidéos. On a commencé à revoir des Let’s Play sur Twitch et les autres plateformes. C’est un vrai plaisir !
À titre personnel, que pensez-vous du Xbox Game Pass ? Est-ce que vous êtes abonnés au service, et surtout, quels sont vos titres préférés ?
Sébastien – Alors je compte faire Control, parce que mon fils s’est mis dessus et je suis un peu passé à côté, comme Dishonored 2 pour certains fans. Je voudrais rejouer à Injustice 2 : j’adore les animations, les combats certes, mais j’adore les fatalities ! C’est vraiment excellent ! Et puis j’ai vu le reportage sur A Plague Tale: Innocence sur le Xbox Wire. Il m’a rappelé les éléments qu’on travaillait sur Dishonored donc ça m’a motivé pour me replonger dans la peste, en France cette fois et pas en Angleterre. Je l’ai sur ma liste, dès que j’ai un peu de temps pour jouer, je m’y mets.
Dinga – Et moi de mon côté je suis client. J’ai découvert par le Xbox Game Pass pour PC. Je l’ai d’abord pris sur PC et immédiatement, il s’est imposé comme l’une de mes plateformes principales parce que je trouve que c’est un super deal. C’est ce que je dis à mes potes : c’est un super super deal. Et il me permet deux choses : la première c’est de découvrir des jeux chouettes. The Surge 2 par exemple, excellent,auquel je n’avais pas joué du tout, je me suis éclaté dessus. Microsoft Flight Simulator, le fait de l’avoir là, disponible immédiatement, j’ai ressorti mon HOTAS. En plein confinement, c’était un vrai plaisir de pouvoir faire un petit tour en Côte d’Ivoire. Carrion, je l’ai trouvé excellent. Slay the Spire, que l’on m’avait recommandé je ne sais combien de fois. J’ai vraiment passé beaucoup d’heures de ma vie dessus après l’avoir essayé.
Il y a vraiment de très chouettes jeux, que ce soient des jeux indés ou des AAA. Mais quelque chose que j’ai découvert récemment, c’est la version Cloud sur Android, et je trouve que c’est un super outil de Game Designer. Parce que quand tu parles de l’interface de Destiny avec quelqu’un, tu n’as pas besoin d’installer le jeu ou de mettre le disque dans une console, tu prends le truc en deux minutes, tu lui montres l’interface, tu prends des screenshots sur ton téléphone. C’est génial. Le fait d’avoir cette bibliothèque de jeux accessibles en quelques secondes sur ton téléphone, pour un Designer, pour un artiste ou un développeur de jeux vidéo, je n’avais pas idée que ce serait un aussi bon outil.
Concentrons-nous maintenant sur Dishonored 2. Quel regard portez-vous sur le jeu, plus de 4 ans après sa sortie ?
Sébastien – Je pense que c’est l’une des meilleures expériences que l’on ait eue au studio. Pour moi, je pense que Dinga complétera, c’est l’un des projets les plus matures que l’on ait fait. On avait créé un monde dans Dishonored 1 et on s’est amusés à le twister, à l’emmener beaucoup plus loin, à développer quelque chose de vraiment intéressant pour les joueurs. En tant que directeur artistique, je me suis vraiment éclaté à mettre encore plus de sens, plus d’intention dans le monde, dans la création de Karnaca dans Dishonored 2. C’était une expérience vraiment cool. Je l’ai dit très souvent en interview mais en fait pendant au moins quatre ans je vivais à Karnaca, je me réveillais à Karnaca, je m’endormais à Karnaca, j’en rêvais la nuit ! Cela me donnait des idées pour peaufiner des endroits, pour créer des trucs un peu foufous… Dans ma tête, je n’ai tourné que dans cette ville pendant à peu près quatre ans. Dès le début, ça a été cool. Je me rappelle de nos premiers meetings avec Dinga, où l’on n’avait pas le nom de la ville, on ne savait pas vraiment où ce serait. Mais on parlait d’intentions, de thèmes matures. C’étaient d’excellents moments. On est partis en voyage faire des photos références. On s’est nourris de l’Europe, de la lumière aux États-Unis, de références dans la littérature, c’était vraiment une super expérience. Il nous reste ce truc qui continue de vivre en nous.
Et puis le jeu nous a rassuré sur le fait que l’on était capables de mener à bien un tel projet. C’était assez chouette, cela a attiré pas mal de personnes pour venir bosser chez nous. On a beaucoup de talents qui viennent d’ailleurs, d’autres pays. Je pense qu’ils ont été motivés en découvrant que l’on pouvait faire un jeu dense, intéressant, d’action. On se l’est prouvé à nous-mêmes et on l’a prouvé à tout le monde. On porte vraiment ce projet dans notre cœur. C’est un truc excellent. La collaboration avec Harvey Smith aussi, le directeur créatif du projet, a apporté plein d’éléments multiculturels. On a ça en nous maintenant, on ne l’oublie pas. Franchement, c’est le projet mature. Il y en aura d’autres, on rebondira et on continuera de monter, mais ce jeu était super important.
La narration environnementale, qui est l’un des points forts de Dishonored 1 et 2, était-elle un pari risqué ? N’aviez-vous pas peur que les joueuses et les joueurs puissent passer à côté de tout le travail que vous avez fourni pour lui donner vie ?
Dinga – Je dirais que, dans une certaine mesure, on ne se pose pas la question. On se fait confiance, on fait confiance au jeu. Comme disait Seb, on y a mis beaucoup de nous-mêmes, beaucoup d’énergie, on a essayé d’être le plus généreux possible, d’avoir le plus de mécaniques, de richesse au mètre carré. On se dit que pour chaque chose que le joueur ou la joueuse rate, il y en a 10 qu’il ou elle voit et qui seront mémorables. Je pense que c’est une question de générosité et de confiance dans le jeu. On laisse le joueur être l’auteur de son expérience. En fait, on se dit : « je suis l’auteur mais je me mets en retrait, je t’offre un monde, des systèmes et des règles, et je te laisse t’amuser avec ». C’est comme les gens qui font leur anniversaire, mais la fête n’est pas pour eux, elle est pour leurs invités. C’est vraiment une question de confiance aussi.
Après c’est aussi une certaine philosophie de design qui fait qu’on a des manières subtiles d’attirer l’attention. Parfois, le joueur s’étonne : « ah mais ça j’aurais pu le rater », mais c’est justement étudié pour qu’il ne le rate pas. Par contre, en tant que joueur, on a l’impression d’acquérir l’expérience parce qu’on a fait le choix et qu’on a l’impression que cela vient de nous. C’est quelque chose de très puissant qui amène une relation au jeu et à l’univers du jeu un peu plus intime que quand on se dit : « ce que je vois, tout le monde le voit ». Les deux peuvent être spectaculaires et intéressants, ce n’est pas pour dire qu’il y en a un qui est meilleur que l’autre, c’est pour dire que c’est notre philosophie et que l’on y croit et qu’on l’a assumé sur tous nos jeux. On continuera à l’assumer.
La liberté que nous donne les titres Dishonored 1 et Dishonored 2 est juste vertigineuse, notamment dans les différentes approches possibles en termes de gameplay : on peut faire quasiment tout ce que l’on veut. Comment conçoit-on un tel bac à sable ? Faut-il se fixer des limites ou un cadre ?
Dinga – La première chose, c’est de se demander ce qu’on veut faire vivre au joueur, quelle est l’expérience qu’on veut lui proposer. Dans le cas de Dishonored 2, on a deux expériences, avec Corvo et Emily. Je vais prendre le cas d’Emily, c’est plus simple. On veut faire vivre au joueur le rôle de cette impératrice qui a vécu des événements traumatiques dans son enfance dans Dishonored 1 et pour laquelle tout cela recommence : elle va se retrouver déshonorée, jetée hors de son propre château, obligée d’aller dans une autre ville dans laquelle elle n’a jamais été, de découvrir le monde. Elle a grandi dans une tour d’ivoire, protégée par un super-héros qui était son père Corvo. C’est ça l’expérience : elle va essayer de reconquérir son trône et de descendre le tyran qui est assis dessus à sa place.
C’est une expérience sur laquelle l’équipe s’était fixée dès le départ : « ça va être un jeu d’assassin surnaturel ». Qui dit jeu d’assassin, dit personnage qui meurt assez vite mais qui est efficace. On ne veut pas être entouré par trop d’ennemis. Par contre, si on utilise la discrétion, tout se passe bien… Donc on a une idée assez claire de l’expérience globale de jeu. Après, dans le développement, on va se permettre d’étirer un petit peu le concept dans tous les sens, c’est-à-dire on va s’imaginer : « et si je ne me faisais jamais voir ? Et si je ne tuais personne ? D’un bout à l’autre, je ne tue personne. » Donc on étire un petit peu le concept d’un côté, puis après on va l’étirer de l’autre : « et si je massacre tout le monde ? Qu’est-ce qu’il se passe ? Est-ce qu’il y a des conséquences ? Est-ce que le jeu le permet ? Est-ce que je vais avoir des outils de gameplay qui vont me permettre de le faire ? Et si je passe de l’un à l’autre, à l’autre, à l’autre ? ». Donc on envisage de multiples possibilités intéressantes : « et si je n’utilise aucun pouvoir de tout le jeu ? Et si je refuse d’avoir la marque de l’Outsider et que je veux tout faire avec mon épée, mes muscles et mon cerveau ? ».
C’est la démarche pour constituer le cœur de l’expérience mais ce que je décris là s’applique aussi dans le design des niveaux, dans la narration. « Quel est le cœur de l’expérience et à quel point on permet au joueur d’étirer les choses ? À quel point on répond aux besoins des joueurs qui aimeraient expérimenter différentes voies ? ». Soit on fait en sorte que ça marche, soit on fait en sorte qu’il ou elle ne se pose pas la question.
C’est tout un savoir-faire qu’on a en tant que studio, parce qu’on se spécialise dans ce genre de jeux d’action à la première personne avec beaucoup de profondeur et en mettant le joueur au centre de l’expérience. C’est vraiment un assemblage de petites choses. Mais encore une fois, comme on disait pour la question précédente, il faut avoir vraiment confiance dans le fait que le jeu va être plus grand que la somme de ses parties, comme disent les anglophones. C’est quelque chose d’assez important parce que sinon tu mets trop d’énergie dans chaque partie. Il ne faut pas se dire : « il faut que mon combat soit aussi bon que celui de Dying Light, que le stealth soit aussi bon que celui de Hitman et que la narration soit aussi bonne que celle de The Last of Us ». Si tu commences à faire ça, ton jeu ne sort jamais. Il faut pouvoir avoir confiance dans le fait que l’ensemble soit une formule… c’est de la chimie, c’est de la cuisine ! Et les aliments séparés, ce n’est pas ce qui compte, ce qui compte, c’est l’ensemble. Enfin je ne sais pas si Sébastien tu as une autre vision là-dessus ?
Sébastien – Non, c’est bien résumé, c’est assez compliqué à expliquer parce que c’est toute notre production. On met quand même plus de trois ans à développer nos jeux, donc ce n’est pas une petite recette !
SOURCE : COMMUNIQUE DE PRESSE – XBOX