Total Chaos est disponible sur consoles et PC

21 Nov 2025 | Jeux vidéo

Total Chaos

Le studio Trigger Happy Interactive signe avec Total Chaos un projet qui s’inscrit dans la tradition du survival-horror en vue subjective, tout en assumant un cadre narratif pesant et un univers fissuré par l’effondrement. Le jeu prend place sur l’île de Fort Oasis, ancien pôle industriel devenu une carcasse rongée par le silence, où les structures abandonnées témoignent d’un monde disparu. C’est au terme d’une tempête que le joueur y échoue, sans autre repère qu’une voix lointaine transmise par radio, seule ancre dans un environnement où les signes familiers se décomposent.

Fort Oasis se présente comme un territoire qui semble avoir rompu avec toute règle physique stable. Les zones traversées alternent entre couloirs industriels, terrains éventrés et ruines noyées dans l’obscurité. L’ambiance repose en grande partie sur cette tension permanente entre réalité tangible et perceptions altérées. Plus l’exploration progresse, plus l’île se dévoile comme un lieu où chaque bâtiment, chaque débris, chaque journal abandonné raconte une chute progressive, presque organique. L’approche repose largement sur la narration environnementale : il ne s’agit pas seulement d’arpenter des espaces, mais de comprendre ce qu’ils sont devenus.

La structure du jeu s’articule autour de plusieurs chapitres successifs, chacun introduisant de nouveaux pans de l’île et modifiant subtilement le rythme de l’aventure. L’exploration est ponctuée d’affrontements contre des créatures issues d’une dérive grotesque, silhouettes déformées qui se fondent dans l’architecture délabrée. L’action reste volontairement désespérée : improviser une arme, bricoler de quoi se défendre, gérer un inventaire limité… Autant d’éléments qui rappellent que la survie n’est pas une affaire de puissance, mais d’instinct et d’économie de moyens.

L’arsenal repose moins sur la sophistication que sur l’inventivité. Le joueur récupère des matériaux épars, assemble des outils de fortune et apprend à tirer parti de ce qui traîne dans les ombres. Le système encourage la prudence : chaque ressource compte, chaque détour peut révéler un élément essentiel ou une menace dissimulée. C’est dans cette logique que Total Chaos construit sa tension : en imposant des arbitrages permanents entre avancer, fouiller, s’équiper ou renoncer.

Le cœur du jeu ne tient pas seulement dans l’horreur, mais dans cette progression méthodique au sein d’un lieu qui défie la cohérence. La radio qui accompagne le joueur joue un rôle ambigu, oscillant entre soutien, guide et écho fantomatique. Elle structure une partie de la narration, tout en laissant des zones d’ombre quant à ce qui s’est réellement produit sur l’île.

Sur le plan de la mise en scène, Total Chaos privilégie une esthétique brute : textures rugueuses, éclairage limité, design sonore appuyé sur le souffle, le métal et les réverbérations lointaines. L’ensemble compose une atmosphère lourde, presque suffocante, où la frontière entre environnement naturel et architecture détruite se brouille. Les lieux, souvent exigus et sinueux, renforcent la sensation d’isolement et limitent les échappatoires.

Le positionnement du titre s’inscrit dans une lignée de jeux où la survie passe par l’observation et l’écoute. L’île n’est pas un terrain à conquérir, mais un espace à comprendre. À mesure que les chapitres s’enchaînent, le rythme alterne entre exploration lente, pointes de tension et plongées dans des zones où la logique semble s’être désagrégée. Le tout compose une aventure qui mise autant sur l’ambiance que sur la progression.

En définitive, Total Chaos prend place dans un paysage vidéoludique où les univers isolés et corrompus ont toujours leur place, mais en adoptant un ton plus terreux, presque sordide. Fort Oasis n’est pas un décor spectaculaire : c’est un lieu brisé, méthodiquement observé, qui sert de colonne vertébrale à une expérience centrée sur la survie, la ruine et l’incertitude.